Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 7.djvu/123

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1680 tion de ce pauvre garçon ne troubloit ma tranquillité. Monsieur le Coadjuteur est parti ; il a fait régler la manière dont M. de Vendôme traitera M. de Grignan[1] : il faut le savoir une bonne fois ; et quand on obéit au Roi, on ne peut être mal content. J’achèverai ce soir ma lettre, je vous dirai ce que j’ai vu et entendu.

J’ai vu toutes mes pauvres amies. Mme  de la Fayette a passé ici l’après-dînée entière ; elle se trouve fort bien du lait d’ânesse. Il ne m’a pas paru que Mme  de Schomberg[2] ait encore pris ma place ; il y a bien des paroles dans cette nouvelle amitié. Ne vous souvient-il point de ce que nous disions du plaisir que l’on prenoit à étaler sa marchandise avec les nouvelles connoissances ? Il n’y a rien de si vrai : tout est neuf, tout est admirable, tout est admiré ; on se pare de ses richesses, on se loue à l’envi ; il y a bien plus d’amour-propre dans ces sortes d’amitiés que de confiance et de tendresse : enfin je ne crois pas être tout à fait jetée au sac aux ordures. Montgobert m’écrit des merveilles de son raccommodement ; il me paroît que désormais rien n’est capable de la séparer de vous : il me sembloit que je voyois ce fond, et que c’étoit dommage qu’il fût couvert d’épines et de brouillards.

Vous avez donc été à cette visite, et vous avez passé, sans que rien vous en ait empêchée, sur le bord des précipices ; vous m’amusez d’une prairie, mais le chevalier m’a conté comme il se jeta une fois[3] à votre litière, et vous en fit descendre par force, parce que vous alliez périr : pour moi, je ne puis comprendre ce plaisir et que vous soyez aise de rêver et d’attacher vos yeux sur cette

  1. 11. Il s’agissoit du cérémonial entre M. de Vendôme et M. de Grignan, à l’arrivée de M. de Vendôme en Provence. (Note de Perrin, 1754.)
  2. 12. Voyez la note 9 de la lettre suivante, p. 120.
  3. 13. « Un jour. » (Édition de 1754.)