Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 7.djvu/182

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faveur il relâchera un peu des règles qu’il a données aux autres. Car toute l’Évangile[1] commande l’humilité et l’abaissement, et vous ferez si bien, qu’il vous permettra de conserver votre hauteur : ce sera une distinction faite pour vous seul, dont vous lui serez encore plus redevable. Cela me fait souvenir de tout ce que vous disoit votre oncle, le grand prieur de France, en mourant : « Ils disent que j’ai l’attrition. » Il en parloit comme d’une crise[2].


1682

891. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ AU COMTE DE GUITAUT.

À Paris, vendredi 23e janvier.

Si j’avois écrit comme on le desiroit, j’aurois bien dit d’autres merveilles ; mais j’aurois eu peur que ma main

  1. 6. Voyez tome III, p. 481, note 9.
  2. 7. Bussy raconte ce fait dans ses Mémoires : « Il (le grand prieur) eut d’abord de la peine à se résoudre à mourir, et il me la témoigna par la difficulté qu’il fit quelque temps de se confesser, qui est une foiblesse de la plupart des malades, qui croient qu’en différant leur confession ils diffèrent leur mort, comme si Dieu n’osoit les prendre qu’en bon état. Enfin je fis entendre raison à mon oncle, et je lui amenai un bon religieux du couvent des Petits-Pères, qui, après l’avoir confessé, lui fit un discours, auquel se joignit son compagnon, et tous deux ensemble l’exhortèrent à la mort. Lorsqu’ils furent sortis d’auprès de lui, j’entrai, et je lui demandai comment il se trouvoit de ces gens-là. « Fort bien, me répondit-il ; ils disent que j’ai l’attrition. » L’état où il étoit m’empêcha de rire de la manière dont il me parloit de ces matières-là. Je compris que ces bons pères lui avoient dit, pour le consoler sur les affaires de l’autre monde, qu’il n’avoit pas encore la contrition, mais qu’il avoit déjà l’attrition, et ce mot lui étoit demeuré dans l’esprit sans qu’il en connût la force ; mais il se doutoit seulement que c’étoit quelque chose de bon. » (Mémoires, tome II, p. 7.) — Mme de Sévigné parle du grand prieur de Rabutin dans une de ses lettres à Ménage, tome I, p. 389. (Note de l’édition de 1818.)