Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 7.djvu/183

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1682 n’eût séché, et j’ai réduit mon approbation au courage qu’il faut avoir pour soutenir tout l’éclat d’une telle affaire[1] : je ne m’en dédis point, il en faut avoir au-dessus des autres ; car pour moi, pauvre petite femme, si j’avois fait une sottise, je n’y saurois pas d’autre invention que de la boire, comme on faisoit du temps de nos pères. Il faut que je vous dise les raisons de cette pauvre Coligny pour n’en pas user de même : elle convient d’une folie, d’une passion que rien ne peut excuser que l’amour même ; elle a écrit sur ce ton-là toutes les portugaises[2] du monde ; vous les avez vues. Mais qu’apprendra-t-on par là, sinon qu’elle a aimé un homme, avec cette différence des autres, c’est qu’elle en avoit fait ou en vouloit faire son mari ? Si tous les maris avoient bien visité les cassettes de leurs femmes, ils trouveroient sans doute qu’elles auroient fait de pareilles faveurs sans tant de cérémonie ; mais cette pauvre Rabutine étoit scrupuleuse et simple, car elle auroit cru que M. de la Rivière étoit un gentilhomme ; il avoit l’approbation de son père ; il a de l’esprit ; elle s’est engagée sur ce pied-là : tout d’un coup elle trouve qu’il l’a trompée, qu’il est d’une naissance très-basse[3]. Que fait-elle ? Elle se repent, elle est touchée des plaintes et des reproches de son père, elle ouvre les yeux, ce n’est plus la même personne, voilà le rideau tiré. Elle apprend en même temps qu’il y a des nullités dans son prétendu mariage ; elle ne peut demeurer comme elle est, il faut qu’elle se remarie ; elle prend le parti de se démarier, plutôt que de passer le reste

  1. Lettre 891 (revue sur l’autographe). — 1. Le procès de Bussy et de Mme de Coligny contre la Rivière. Voyez plus haut, p. 164, note 3.
  2. 2. Sur les Lettres portugaises, publiées à Paris en 1669, voyez tome II, p. 284, note 7.
  3. 3. Voyez plus haut, p. 165, la citation d’Amelot de la Houssaye.