Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 7.djvu/188

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1682 il ne faudroit plus penser à l’exercice extérieur de la religion. Voilà ce que Dieu lui inspire, et soit lumière, soit abandonnement, il faut qu’il arrive quelque changement en lui pour déranger ses opinions. M. de Vardes lui a fait la même question que vous me faites sur son jubilé : il y a fort honnêtement répondu, et lui a donné d’un probet autem semetipsum homo[1], qui peut être cause de grandes réflexions. Voilà tout ce que je vous puis dire : vous connoissez le terrain et vous l’aimez ; car en vérité, plus on connoît ce cœur-là, et plus on l’admire. Il me paroît que le départ s’approche, je le vois avec douleur ; mais que savons-nous ce que la Providence garde à M. de Vardes ? Voilà M. de Bussy revenu après dix-huit ans ; il a vu le Roi, qui l’a reçu parfaitement bien[2] : voici un temps de justice et de clémence ; on prend plaisir à faire non-seulement ce qui est bien, mais ce qui est parfaitement bien ; ainsi je ne doute pas que le tour de ce pauvre exilé ne vienne, et tout le monde le croit tellement, que si quelque chose peut encore lui faire tort, c’est ce bruit commun. Vous me dites la plus plaisante vérité qu’on puisse entendre, en m’assurant que ces jeunes gens[3] rapporteront de Languedoc toute la politesse qui leur manquoit ici : ils me paroissent comme les Allemands qu’on envoie à Angers pour apprendre la langue ; ils étoient Allemands sur le savoir-vivre, et hormis que de l’apprendre hors de la cour se présente ridiculement, il est fort aisé de com-

  1. 5. « Que l’homme donc s’éprouve lui-même. » Voyez la 1re  Épître de saint Paul aux Corinthiens, chapitre xi, verset 28. — Mme  de Sévigné a substitué semetipsum à se ipsum.
  2. 6. Le duc de Saint-Aignan écrivit au comte de Bussy, le jeudi au soir, 9 avril 1682, que le Roi lui ordonnait de venir le trouver le dimanche suivant. On lit les détails de la réception que le Roi lui fit, dans la Correspondance de Bussy, tome V, p. 297 et suivantes.
  3. 7. M. et Mme  de Rohan. Voyez plus haut, p. 173, la lettre du 26 novembre 1681.