Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 7.djvu/211

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1683 regretter que vous n’ayez pas continué tout de bon. Si vous avez suivi ce dessein, faites-nous-en part ; ces deux vers latins que vous expliquez sont fort justes, et en un mot, nous estimons et vos vers et votre prose, et tout ce qui vient de votre esprit. Mon fils est toujours votre adorateur ; ma fille vous admire et vous estime au dernier point ; je prétends que vous savez comme je suis pour vous, et que vous voyez clairement qu’il n’y a point de famille où l’on fasse plus de justice à votre mérite. Vous la faites à Monsieur de Carcassonne en le louant comme vous faites. Le pauvre chevalier est ici depuis six semaines, accablé de son rhumatisme ; il reçoit plusieurs visites de gens emmanchés de toutes les façons ; ceux qui le sont à gauche, font voir au moins que leur goût est droit.

Vous nous avez renvoyé M. de Noailles en très-mauvais état : il a un dévoiement si considérable, qu’il semble qu’il ait mangé lui seul tout ce qu’il a dépensé à Montpellier ; enfin il a été contraint de quitter le bâton[1], ce bâton l’objet de son amour, ce bâton qu’il est revenu prendre de si loin, ce bâton qui fait la récompense de tous les autres services : il faut croire qu’il est bien mal, quand il le donne lui-même à M. de Luxembourg. Vous m’en dites beaucoup de bien en me parlant de la distinction et de l’épanouissement qu’il a eu pour vous : je voudrois que sa générosité l’eût obligé de rendre à notre ami chagrin[2] la visite qu’il lui a faite. N’est-ce pas vous à qui j’ai entendu dire qu’il faut respecter les malheureux ? Il ne faut pas douter que cela n’ait augmenté le chagrin. Je le plains infiniment de l’avoir laissé prendre possession de son âme, et d’avoir surmonté la philoso-

  1. 2. Le bâton de capitaine de la première compagnie des gardes du corps.
  2. 3. Vardes.