Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 7.djvu/224

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

1683 souverainement, c’est de vivre quatre heures entières avec le souverain, être dans ses plaisirs et lui dans les nôtres : c’est assez pour contenter tout un royaume qui aime passionnément à voir son maître. Je ne sais à qui cette pensée est venue ; mais Dieu la bénisse, cette personne ! En vérité, je vous y souhaitai ; j’étois nouvelle venue, on se fit un plaisir de me montrer toutes les raretés, et de me mener partout. Je ne me suis point repentie de ce petit voyage. Il est arrivé que le même jour j’ai pu être assurée, comme Chimène, de ne rien obtenir[1]. M. de la Tour, Torcy, Vitry[2], si vous voulez, avec quatre-vingt mille francs comme nous, l’a emporté.

La faveur l’a pu faire autant que le mérite :
Le choisissant peut-être on eût pu mieux choisir ;
Mais le Roi l’a trouvé plus propre à son desir[3]

Pour moi, je suis contente ; mon fils auroit quelque envie d’être chagrin, par la raison qu’il faut toujours être mal content. Adieu, Monsieur, le plus aimable ami

  1. 11. Voyez le commencement de la lettre du 26 janvier précédent, p. 211.
  2. 12. Antoine-Philibert de la Tour, marquis de Torcy. On lit dans Saint-Simon (tome XVIII, p. 335), sous la date de 1721 : « Torcy, dont c’étoit le nom, et point parent des Colbert, mourut en même temps à soixante-treize ans. Il avoit été sons-lieutenant des chevau-légers de la garde avec réputation de probité et de valeur, du reste un fort pauvre homme. Il étoit riche et avoit épousé en premières noces la fille du duc de Vitry, et en secondes noces la fille de Gamaches. Il ne laissa point d’enfants. Il étoit maréchal de camp. »
  3. 13. Ce sont trois vers du Cid, acte I, scène III. Les deux derniers, qui ont été remplacés en 1660 par ceux qu’on lit actuellement dans les éditions de Corneille, étaient :

    Vous choisissant peut-être on eût pu mieux choisir ;
    Mais le Roi m’a trouvé plus propre à son desir.

    Voyez le Corneille de M. Marty-Laveaux, tome III, p. 114, note 2.