Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 7.djvu/294

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1684 temps de libéralités : vous voyez que tous vos amis vous ont conseillé de faire cette tentative ; quel plaisir n’auriez-vous pas, si par vos soins et vos sollicitations vous obteniez cette petite grâce ! Elle ne pourroit venir plus à propos ; car je crois, et cette peine se joint souvent aux autres, que vous êtes dans de terribles dérangements. Pour moi, je suis convaincue que je ne serois jamais revenue de ceux où m’auroit jetée un retardement de six mois : quand on a poussé les choses à un certain point, on ne trouve plus que des abîmes ; et vous êtes entrée la première dans ces raisons ; elles font ma consolation, et je me les redis sans cesse.

Nous menons ici une vie assez triste ; je ne crois pas cependant que plus de bruit me fût agréable. Mon fils a été chagrin de ces espèces de clous ; ma belle-fille n’a que des moments de gaieté, car elle est tout accablée de vapeurs ; elle change cent fois le jour de visage, sans en trouver un bon ; elle est d’une extrême délicatesse ; elle ne se promène quasi pas ; elle a toujours froid ; à neuf heures du soir, elle est tout éteinte, les jours sont trop longs pour elle ; et le besoin qu’elle a d’être paresseuse fait qu’elle me laisse toute ma liberté, afin que je lui laisse la sienne : cela me fait un extrême plaisir. Il n’y a pas moyen de sentir qu’il y ait une autre maîtresse que moi dans cette maison ; quoique je ne m’inquiète de rien, je me vois servie par de petits ordres invisibles. Je me promène seule, mais je n’ose me livrer à l’entre chien et loup, de peur d’éclater en cris et en pleurs ; l’obscurité me seroit mauvaise dans l’état où je suis : si mon âme peut se fortifier, ce sera à la crainte de vous fâcher que je sacrifierai ce triste divertissement ; présentement c’est

    sur les côtes de Provence. Voyez la lettre du 26 novembre suivant. (Note de l’édition de 1818.)