Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 7.djvu/426

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

1685


de charles de sévigné.

J’en ai été témoin de ce prodige, j’ai reçu la bénédiction de ce saint homme, et j’ai baisé sa main avec un plaisir extrême. C’est une chose admirable que la crainte qu’a tout son diocèse de le perdre, et de voir venir à sa place quelque freluquet qui ne songe qu’à plaire aux ennemis du prélat ; au lieu que celui-ci ne songe qu’à leur pardonner tous les dégoûts dont ils prennent plaisir d’accabler sa vieillesse. Je parlerois longtemps là-dessus ; mais il vaut mieux vous remercier, ma belle petite sœur, de toutes les peines que vous avez prises pour mon habit. Je vous avoue que je crains fort que vous n’ayez été prendre pour ma garniture de certaines couleurs vives et tranchantes : mon dessein étoit de supplier ma princesse[1] de la choisir à son gré ; et comme elle aime la pastorale, je lui aurois demandé un nœud couleur de rose et blanc, une veste blanche et une des plus jolies houlettes que l’on porte présentement. Est-il possible que les quilles et l’escarpolette soient dans une aussi grande décadence que vous les représentez ? Si personne ne peut dignement remplir ma place à l’escarpolette, il faut au moins que M. de Polignac remette les quilles en honneur : je ne donne ma voix qu’à lui pour cela.

Je suis très en peine de M. de Grignan ; sa petite fièvre, sa tristesse et sa maigreur effrayent ceux qui l’aiment et à qui l’on fait ce portrait de lui. Vous n’êtes point du tout dans les bons principes sur les vipères : vous croyez qu’elles dessèchent, et c’est précisément le contraire ; votre belle-sœur l’éprouve ainsi tous les jours, et je l’avois moi-même éprouvé dès l’année passée. C’est à ces vipères que je dois la pleine santé dont je jouis, et

  1. 11. Mlle  d’Alerac.