Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 7.djvu/475

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1685 fermeté sert d’exemple à tous ceux qui veulent mourir en grands hommes, et sa piété à ceux qui veulent mourir chrétiennement. C’est tout ce qui se peut souhaiter que de faire cet heureux mélange. Avec le temps vous serez vengé de tous ceux dont vous vous plaignez. Il y en a un principalement dont la jeunesse est un peu[1] difficile à user ; mais qu’est-ce que le temps ne détruit pas ? Vous vous portez très-bien, et si Dieu est pour vous, qui sera contre[2]

Vous savez, sans doute, que M. de Lamoignon a perdu son beau-frère[3]. Je vous ai toujours ouï dire que les grandes successions étouffoient les sentiments de la nature : si cela est, tout doit rire dans cette maison. Cependant j’y ai vu des larmes qui m’ont paru sincères : c’est qu’avec ce qu’il étoit frère, il étoit encore ami. Je suis ravie de connoître le mari et la femme : c’est avec grande raison qu’on les aime quand on les connoît.

Je voudrois que vous eussiez pu augmenter la bonne compagnie de Bâville ; elle eût été parfaite. J’aime toujours le P. Rapin ; c’est un bon et un honnête homme. Il étoit soutenu du P. Bourdaloue, dont l’esprit est charmant, et d’une facilité fort aimable. Il s’en va, par ordre du Roi, prêcher à Montpellier, et dans ces provinces où

    tent, et il pria Sa Majesté de vouloir ordonner à M. de Seignelay de les venir quérir. Monsieur le chancelier a eu une vie fort heureuse, et une mort fort heureuse aussi, car il n’a point perdu connoissance, et meurt fort fermement et fort chrétiennement. »

  1. 2. Les mots un peu ont été ajoutés en interligne, de la main de Bussy.
  2. 3. « Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? » (Épître de saint Paul aux Romains, chapitre VIII, verset 31.)
  3. 4. « On sut au lever du Roi la mort de M. Voisin, fils du conseiller d’État. Mme  de Lamoignon, sa sœur, hérite de cent mille livres de rente pour le moins, à ce que tout le monde croit. » (Journal de Dangeau, 6 octobre 1685, à Fontainebleau.)