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crainte de mes extravagances vous eût ôté l’envie de faire de nouvelles protestations. Je m’étois heureusement imaginé que vous n’aviez ni écrit, ni reçu des lettres l’un de l’autre depuis dix mois, et je jouissois tranquillement de l’idée charmante d’un oubli parfaitement établi. J’étois ravi de n’avoir plus à méditer un assassinat, ni tous les secrets de la magie noire pour vous séparer, et par malheur je me vois plus que jamais dans la nécessité d’user d’enchantement. Je vous donnerai avis de tous ceux que j’aurai pratiqués inutilement, afin que votre persévérance me réduise à consentir à la fatale nécessité de votre union.

Voilà donc Madame votre fille toute prête à vous faire grand-père ; je n’envisage que cette qualité pour me consoler de l’amitié dont je viens de vous parler : cela seroit vraiment beau qu’un grand-père aimât une grand’mère ! Revenons à Madame votre fille faites-lui[1] bien mes compliments, et à Madame sa mère, dans l’espérance qu’elle multipliera cette race, qui, à ma jalousie près, est digne de s’étendre depuis l’orient jusqu’à l’occident. Qu’elle fasse vitement un petit garçon, qui du côté de la mère sera vif, bon et aimable, et du côté du père représente le mérite d’une infinité de Girards qu’on honore ici encore plus que là. Voulez-vous un compliment pour la mort de M. le prince de Conti ? je vous le fais. En voulez-vous un autre sur ma mission aux huguenots ? je vous le fais : car c’est de vos inspirations que je tiens le goût de servir mon Église. Tout ce qu’il y a de gens de qualité ici me prennent pour leur guide ; la canaille ne s’accommode pas si bien des talents. Adieu, mon ami ; je m’en vais à ma vigne.


  1. 8. L’édition de 1773 donne leur, au lieu de lui.