Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 7.djvu/536

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

1686 dame de Bourbon[1] y tomba malade de la petite vérole, afin d’empêcher Monsieur le Duc de la garder et d’être auprès d’elle, parce qu’il n’a point eu la petite vérole ; car sans cela, Madame la Duchesse, qui l’a toujours gardée, suffisoit bien pour être en repos de la conduite de sa santé. Il fut fort malade, et enfin il a péri par une grande oppression qui lui fit dire, comme il croyoit venir à Paris, qu’il alloit faire un plus grand voyage. Il envoya quérir le P. Descham[2], son confesseur, et après vingt-quatre heures d’extinction, après avoir reçu tous ses sacrements, il est mort regretté et pleuré amèrement de sa famille et de ses amis ; le Roi en a témoigné beaucoup de tristesse et enfin on sent la douleur de voir sortir du monde un si grand homme, un si grand héros, dont les siècles entiers ne sauront point remplir la place.

Il arriva une chose extraordinaire il y a trois semaines, un peu devant que Monsieur le Prince partît pour Fontainebleau. Un gentilhomme à lui, nommé Vernillon[3], revenant à trois heures de la chasse, approchant du château, vit à une fenêtre du cabinet des armes, un fantôme, c’est-à-dire un homme enseveli : il descendit de son cheval et s’approcha, il le vit toujours. Son valet,

  1. 4. La duchesse de Bourbon, femme du petit-fils du grand Condé. — Trois lignes plus loin, Madame la Duchesse est la duchesse d’Enghien, sa bru, la belle-mère de la malade.
  2. 5. Étienne-Agard de Champs, né à Bourges en 1613, se fit jésuite à dix-sept ans, composa une tragédie latine que le cardinal de Richelieu fit représenter dans son palais, devint professeur de théologie et compta parmi ses élèves le prince de Conti (frère de Condé). Après avoir été trois fois provincial, il se retira à la Flèche, où il mourut le 31 juillet 1701.
  3. 6. C’est sans doute le même que Saint-Simon (tome VII, p. 149) appelle Verrillon et qui était demeuré avec le fils du grand Condé « après avoir été à Monsieur son père sur un pied d’estime et de considération. »