Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 7.djvu/56

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1680 Vous le verrez à Grignan rêver à elle : il n’y a qu’à savoir donner le tour à ces attachements les plus sensibles. Vous me direz que le corps n’y a point de part. Ah ! je le crois ; mais il n’est question que du cœur, et le sien est entièrement occupé. Vous me direz encore que je fais le procès à bien d’autres : je l’avoue ; mais ils sont au moins persuadés de leurs égarements ; et lui, il se baigne dans la confiance. Ma fille, ne lui faites point la guerre trop ouvertement sur tout ceci : les vérités sont amères, nous n’aimons pas à être découverts. Il me semble que nous serions quelquefois tentés de lui dire, comme le comte de Gramont disoit à Langlée : « Vous croyez parler au Roi[1]. » Nous dirions volontiers aussi, quand Brancas veut nous tromper : « Vous croyez parler à Dieu. » Vraiment je suis folle, voyez un peu où je me jette.

J’ai fait mes compliments aux héritiers de ce bonhomme Évreux. On dit en ce pays que le jeune[2] aspire encore à Marseille ; est-il possible qu’il ne soit pas content, et que pouvant accorder la résidence avec la cour, c’est-à-dire la gloire et les plaisirs, il aime mieux se rendre le dom courrier de Marseille[3], comme son prédécesseur ? Si l’évêché vaut mieux, il le dépenseroit par les chemins ; enfin, chacun a sa manière de penser. Ce que je sais en général du clergé, c’est qu’ils ont beaucoup paru cette année, et ils ont traité le pape comme Monsieur de Rome[4], fort familièrement. Cette guerre est encore meilleure que les autres ; et les évêques, qui se disoient autant de vérités que d’injures, comme vous dites, valoient bien

  1. 9. Voyez la lettre du 5 janvier 1672, tome II, p. 456.
  2. 10. Le bel abbé, nommé récemment à l’évèché d’Évreux, dont, comme nous l’avons dit, il ne prit pas possession.
  3. 11. « De Marseille à Paris. » (Édition de 1754.)
  4. 12. C’est ainsi que l’évêque de Noyon, Clermont-Tonnerre, avait l’habitude d’appeler le pape. Voyez tome IV, p. 557.