Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 7.djvu/68

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1680 le chevalier m’écrit d’une manière à me le persuader. C’est une plaisante solitude que la vôtre ; la nôtre commence à se gâter, mon fils réveille tout : cette bonne princesse fait ses galeries de Vitré ici[1], et vous jugez bien que nous lui rendons plus chaud que braise : elle joue à l’hombre avec mon fils et M. du Plessis ; et pour m’amuser, elle me fagote un reversis ; cela fait une société. Cependant, pour entretenir l’air de la solitude, au moins par le nom, j’ai fait dresser une allée aussi longue que la grande, qui s’appelle la solitaire : elle est si belle, si bien plantée, que mon fils devroit baiser les pas que j’y fais tous les jours ; mais comme elle contient douze cents pas, et que ce seroit un exercice un peu violent avec un sang aussi échauffé que le sien, je lui fais crédit de cette reconnoissance. Je me suis servie de votre nom pour obliger la princesse à ne plus assassiner de reproches sa pauvre fille, de trois cents lieues loin. À force de lui parler du bonheur de cette personne, et de lui demander ce qu’elle vouloit donc, j’ai si bien fait, qu’elle lui écrit des douceurs et des bontés, et qu’elle les trouve même dans son cœur ; car la grandeur et les richesses sont jointes au mérite personnel de son mari : je lui ai conseillé de l’aller voir l’année qui vient, et enfin j’ai fait des merveilles. Elle vous dit mille et mille douceurs, et trouve que nous faisons toutes deux parfaitement bien de nous aimer. J’ai tout dit sur la visite de Brancas à Mme de Coulanges : n’ayez pas peur qu’il la fasse comme celle qu’il nous fit à Livry ; sa rêverie ne le porte point à se faire du mal ; il s’imaginera bien plutôt, étant à Lyon, qu’il est à Avignon, et oubliera d’y aller. J’ai aussi répondu par

  1. 3. « On dit proverbialement d’un chemin que quelqu’un fait souvent et sans peine, que ce sont ses galeries. Aller de Paris à Rome, ce sont vos galeries. » (Dictionnaire de l’Académie de 1694.)