Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 7.djvu/73

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

1680 qu’a produit la joie de cette assurance, et la beauté[1] des sentiments de cette sage et sainte fille[2] ; non, ce n’est pas toujours de tristesse que l’on pleure ; il entre bien des sortes de sentiments dans la composition des larmes. Vous vous êtes souvent moquée de moi, en me voyant émue de la beauté de certains sentiments, où je ne prenois nul intérêt ; il m’est impossible de n’en être pas touchée ; jugez, ma fille, ce que je suis pour le discours si tendre et si sage de Mlle  de Grignan ; quelle résolution ! quel courage ! il me semble qu’il faut compter[3] sur ce qu’elle dit : il y a longtemps qu’elle médite sur cette déclaration ; elle pense ferme, comme vous disiez ; ce qu’elle a résolu est immanquable : vos prophéties sont bonnes ; je ne savois où vous preniez de si grandes assurances. Vous voilà donc décidée, ma chère enfant, par la plus grande affaire et la plus avantageuse qui pût arriver à votre maison : c’est un coup de partie, et c’est dans ces occasions qu’il faut faire un voyage in ogni modo[4]. Dites-moi bien cette suite et tous vos desseins, afin que je tâche d’y conformer les miens.

Je[5] ne savois point du tout la manière dont étoit mort ce vieux Évreux ; c’est une chose effroyable : vous avez raison de dire que j’en serai frappée. Vraiment, ma fille, je le suis, et je vois Dieu qui tourne les volontés de ce bonhomme d’une manière extraordinaire, pour le conduire à être massacré et déchiré[6], et tiré enfin à quatre

  1. Lettre 852 (revue en grande partie sur une ancienne copie). — 1. « Jointe à la beauté, etc. » (Édition de 1754.)
  2. 2. Mlle  de Grignan. Voyez le commencement de la lettre du 18 août précédent, p. 24 et 25.
  3. 3. « Qu’on peut compter. » (Édition de 1754.)
  4. 4. « De toute façon. »
  5. 5. La lettre commence ici dans notre manuscrit.
  6. 6. " A être déchiré et massacré. » (Éditions de 1737 et de 1754.) — Il est dit dans le Mercure (septembre 1680, p. 37) qu’il avait plu-