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1687-et j’entendis attaquer et défendre la loi :Desiderium tuum rationibus juris non congruit, etc.(5). Il s’agit du dépôt, et notre premier président argumente à merveilles. Je vous dis tout cela en passant, pour vous faire souvenir que j’aime toujours passionnément la jurisprudence; = mais elle ne m’a point empêché de lire tous les ouvrages de sainte Thérèse, dans lesquels je crois avoir trouvé toutes les propositions de Molinos. J’ai fait un recueil des maximes chrétiennes ou mystiques de la sainte; j’en ai conféré avec des cartésiens fort savants, qui tous croient que les équivoques qui tournent plus au paradoxe font brûler leurs auteurs, selon que leurs juges sont plus ou moins ignorants or l’on tient pour assuré que ceux qui composent le tribunal de l’inquisition le sont au suprême degré. Le cardinal Petrucci(6) les attend sous l’orme, et ils n’osent l’attaquer, parce qu’il a de l’esprit et du savoir, joints à une grande dignité. Je lirai deux ou trois mystiques, après que j’aurai achevé le Chrétien intérieur, fait par un solitaire, et recueilli par le sieur de Ber-

5."Ta demande ne s’accorde pas avec les principes du droit. Voyez le Code de Justinien, livre IV titre xxxiv (de l'action, de Dépôt), loi 7. L’édition de 1773, notre seule source pour cette lettre, a ainsi défiguré ce texte Desiderium memn ralïonibus tuis non congruet; et toutes les éditions suivantes l’ont copiée. Il est difficile de croire que cette altération soit le fait de Corbinelli.

6. Pierre-Matthieu Petrucci, né à Jesi, dans la Marche d’Ancône, en 1638, mort le 5 juillet 1701 fut nommé évêque de Jesi par Innocent XI, quoique déjà soupçonné d’être partisan de Molinos: voyez le Journal de Dangeau, tome I, p. 367. Il fut fait cardinal en septembre 1686. Ses écrits sur le quiétisme et la théologie mystique furent condamnés en mars 1688, et il reçut du pape l’ordre de rester à Rome. Il n’obtint qu’en 1694 la permission de retourner dans son diocèse, et se démit bientôt après. Ce Petrucci, évêque de Jesi, dit Saint-Simon dans une note sur Dangeau au 4 août 1701, pensa perdre la pourpre pour les affaires des Molinos, et n’eût pas évité l’inquisition sans elle, qui ne laissa pas de le tancer fortement. »