Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 8.djvu/145

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nières, trésorier de France. Tout cela, mon ami, ne m’avance en rien dans la dévotion, et seroit plus capable de me reculer : les distinctions d’oraisons vocales, mentales, de contemplation, d’union et de quiétude, ne servent qu’à embrouiller l’esprit, et ne signifient enfin que plus ou moins d’attention à la prière, et plus ou moins de charité, ce que je savois à merveilles. Mais ce n’est point la science qui inspire la dévotion, c’est uniquement la grâce de Dieu. Adieu, mon ami : ma jalousie va toujours en augmentant; je vous embrasse cordialement.

DE MADAME DE SÉVIGNÉ.

JE n’ai jamais vu de tels rivaux; je crois qu’il faut-dire d’eux comme des deux paladins:

        O gran bontà de’ cavalieri antiqui (7) 

Je vous demande pardon de ce dernier mot, mais votre union attire cette application. J’ai reçu, Monsieur, votre dernière lettre; elle me plaît comme tout ce qui vient de votre plume. J’ai parlé de vous avec M. de la Trousse(8); le goût qu’il a pour votre personne le rehausse bien à mon égard : nous ne serions pas cousins, s’il n’avoit pas senti tout l’agrément et la solidité de votre mérite il m’en paroît touché. Il

7. 0 grande bonté des vieux chevaliers » Renaud et Ferragus, se disputant la belle Angélique, se livrent un combat terrible ; mais Ferragus s’apercevant qu’Angélique vient de prendre la fuite, propose de la poursuivre, pour s’en remettre ensuite au sort des armes. Renaud est à pied, Ferragus le prend en croupe, et l’Arioste s’écrie : O gran_ bontà de’ cavalieri antiqui Eran. rivali, cran di fè dxversi; E si sention degli aspri colpi iniqui, etc. (Arioste, Roland furieux, chant I, stance xxu.) 8.Il avait commandé les troupes en Languedoc. Voyez plus loin, p. 199, et Dangeau, au 29 octobre 1686.