Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 8.djvu/219

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naturellement attachée à ces deux choses. Ne craignez point, ma fille, que je sois assez sotte16[1] pour me laisser mourir de faim : on mange son avoine tristement, mais enfin on la mange. Pour votre idée, elle brille encore et règne partout : jamais une personne n’a si bien rempli les lieux où elle est, et jamais on n’a si bien profité du bonheur de loger avec vous[2] nos matinées n’étoient-elles point trop aimables ? Nous avions été deux heures ensemble, avant que les autres femmes soient éveillées ; je n’ai rien à me reprocher là-dessus, ni d’avoir perdu le temps et l’occasion d’être avec vous; j’en étois avare, et jamais je ne suis sortie qu’avec l’envie de revenir, ni jamais approchée de cette maison sans avoir une joie sensible[3] de vous retrouver et de passer la soirée avec vous; Je demande pardon à Dieu de tant de foiblesses c’est pour lui qu’il faudroit être ainsi. Vos moralités sont très-bonnes et trop vraies.

Mme de Vins a été en peine de son mari ; elle en a reçu une lettre; il est en sûreté présentement, il est au siége de Philisbourg : il avoit passé par des bois très-périlleux, et l’on n’avoit point de ses nouvelles. Si l’air et le bruit de Grignan[4] vous incommodent, allez à la Garde; je ne changerai point d’avis. Mille amitiés à tous vos Grignans ; je suis assurée que M. de la Garde sera du nombre. Comment trouvez-vous Pauline? Qu’elle est heureuse de vous voir, et d’être obligée de vous aimer!

  1. 16. « Ne craignez point, au reste, que je sois, etc. » (Édition de 1754.)
  2. 17. «  Du bonheur de loger avec vous que j’en ai profité, ce me semble. » (Ibidem.)
  3. 18. « Ni jamais revenue sans avoir d’avance une joie sensible. » (Ibidem.)
  4. 19. Au lieu de cette phrase, l’édition de 1737 donne « Vous voilà donc demain à la Garde, ma très-chère. » Cette édition n’a pas le dernier alinéa.