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Je comprends mieux que personne du monde les sortes d’attachements qu’on a pour des choses insensibles, et par conséquent ingrates ; mes folies pour Livry en sont de belles marques. Vous avez pris ce mal-là de moi.

1074- DE MADAME DE SËVIGNÉ

A MADAME DE GRIGNAN.

A Paris, ce mercredi 20e octobre.

Nous avons reçu vos lettres de Thézé, ma chère enfant : vous nous en faites une aimable peinture. On ne croiroit pas trouver tant de politesse et d’ajustement sur le haut d’une montagne : la maîtresse du logis[1] toujours noble, jolie, et digne d’être aimée. Vous avez bien fait de répondre pour Corbinelli : on ne sort point de ses chaînes. Je soupçonne qu’avec tous ces beaux dehors, la pauvre femme n’est pas heureuse ; je la plains, et je hais ce qui en est cause. Mais parlons de vous, ma chère fille : vous avez passé ce diantre de Rhône, si fier, si orgueilleux, si turbulent ; il faut le marier à la Durance2 [2] ah le bon ménage ! Nous sommes impatients d’avoir de vos nouvelles de la Garde ; votre jeunesse et votre santé résistent-elles toujours à vos dragons, à vos pensées, à vos cruelles nuits ? C’est cela qui me tue car je sais que rien n’est plus mortel. Mais vous êtes loin des nouvelles ;

  1. LETTRE 1074. 1. Mme de Rochebonne. Dans l’édition de 1754 « la maîtresse du château. » Sur Thézé, voyez tome IV, p. 219, note 22, et ci-dessus, p. 210, note 5.
  2. 2. Le texte de 1754 ajoute ces mots «  quand elle est en furie. » Celui de 1787 n’a pas le membre de phrase « Nous sommes impatients, etc., » et donne la suite ainsi « Mandez-nous sur toute chose si -votre jeunesse et votre santé résistent toujours, etc. »