Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 8.djvu/275

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à vous faire du siège de Manheim : on m’assuroit si fort que ce ne seroit rien, que j’espérois de vous le faire passer insensiblement ; mais, ma fille, c’en est fait, et si vous aviez souhaité, vous n’auriez pas pu desirer[1] autre chose . Tâchez donc de dormir tout de bon, je vous réponds du reste. La fable du lièvre[2] est tellement faite pour votre état qu’il semble que ce soit vous qui la fassiez. Jamais un plaisir pur, toujours assauts divers, etc. Vous y pourriez ajouter encore :

Corrigez-vous, dira quelque sage cervelle:

Eh la peur se corrige-t-elIe?

Mais vous ne pourriez pas dire

Je crois même qu’en bonne foi

Les hommes ont peur comme moi

car je trouve que les hommes n’ont point de peur. C’est une heureuse vieillesse que celle de Monsieur l’Archevêque : je suis bien honorée de son souvenir. J’attaquerai un de ces jours le Coadjuteur ; je lui rappellerai le bon ménage[3]que nous faisions à Paris ; je suis ravie qu’il vous aime, et plus pour lui que pour vous car ce ne seroit pas bon signe[4] pour son esprit et pour sa raison, que de vous être contraire. J’aime Pauline : vous me la représentez avec une jolie jeunesse et un bon naturel ; je la vois courir partout, et apprendre à tout le monde la prise de Philisbourg ; je la vois et je l’embrasse. Aimez, aimez votre fille, c’est la plus raisonnable et la plus jolie

  1. 21. « Pouviez-vous désirer autre chose ? » (Édition de 1754.)
  2. 2. Le Lièvre et les Grenouilles, dans la Fontaine, livre II, fable XIV Dans l’édition de 1754, il y a simplement : « La fable du lièvre me paraît juste pour vôtre état. »
  3. 23. « Je lui parlerai du bon ménage, etc. » (Édition de 1754.)
  4. 24. « Car ce seroit mauvais signe. » (Ibidem.)