Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 8.djvu/478

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soient nommés, pour savoir où chacun servira.[1] J’ai vu Mme de Chaulnes et Mme de Coulanges ; elles sont ravies d’Esther. Cette première vous embrasse et vous aime[2], et veut m’emmener en Bretagne; elle vous en demandera la permission; mais elle ne partira pas sitôt [3] » (Édition de 1754.). Mme de Coulanges vous a vengée de la maréchale d’Estrées elle lui dit, la voyant se

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  1. 21. Le Mercure de février (p. 311-314) donne les rnoms de ces officiers : le maréchalduc de Duras doit commander sur le rhin ; le duc de Humières commandera l'armée de Flandre ; le maréchal de Lorges en Guienne; le duc de Noailles, en Roussillon. Le marquis de la Trousse est un des lieutenants généraux du maréchal de Lorges.
  2. 22. Ces trois mots « et vous aime, » manquent dans le texte de 1737.
  3. 23 elle est ici pour quelques affaires elle ne partira pas sitôt.
  4. 24.vMarie-Marguerite Morin, femme de Jean, comte d’Estrées, maréchal et vice-amiral de France, qu’elle avait épousé en 1658, et dont elle resta veuve en 1707; elle mourut en 1714. «Elle étoit fille, dit Saint-Simon (tome XI, p. 95 et 96), d’un riche financier nommé Morin, qu’on n’appeloit que Morin le Juif. C’étoit une grande et assez grosse femme, de bonne mine, quoique avec des yeux un peu en dedans, qui avcit une physionomie haute, audacieuse, résolue, et pleine d’esprit; aussi n’a-t-on guère vu de femme qui en eût tant, qui sût tant de choses, ni qui fût de plus excellente compagnie. Elle étoit brusque et pourtant avec politesse, et savoit très-bien rendre ce qu’elle devoit, et se le faire rendre aussi. Elle avoit passé sa vie à la cour et dans le meilleur du plus grand monde, jouant gros jeu nettement et avec jugement. On la craignoit fort et on ne laissoit pas de la rechercher. Elle passoit pour très-méchaute. Elle ne l’étoit que par dire franchement et très-librement son avis de tout, souvent trèsplaisamment, toujours avec beaucoup d’esprit et de force, et de n’être pas d’humeur à rien souffrir; dangereuse alors à se lâcher en peu de mots d’une manière solide et cruelle, et à parler en face aux gens, à les faire rentrer sous terre; d’ailleurs n’aimant ni les querelles ni à médire pour médire, mais à se faire considérer et compter, et elle i’étcit beaucoup, et vivoit très-bien dans sa famille. Elle étoit avare à l’excès, et en rioit la première avec cela brocanteuse, se connoissoit aux choses et aux prix, avoit le goût excellent et ne se refu-