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qui m’a fait du pis qu’elle a pu, n’a pu m’abattre ni l’air, ni le courage. J’espère que je serai jusqu’au bout plus grand que mes malheurs, et que je ferai voir au moins par là que je n’en étois pas digne(3).

Le Roi est bien heureux, Madame ; il est même digne de l’être ; c’est un grand prince, et je l’aime fort ; et dans ce sentiment-là, je ne saurois m’empêcher d’avoir peur que mes disgrâces ne lui soient pas glorieuses. Je vous envoie une lettre que je lui écrivis il y a deux mois, et que mon ami Saint-Aignan lui rendit le vendredi saint (4). Vous m’avouerez, après l’avoir lue, qu’il faudroit être bien dur pour n’en être pas touché (5). J’attendrai encore quelque temps, après lequel, si je n’ai aucune réponse, je ferai un petit voyage à la cour. Il faut que j’aie une conversation avec Sa Majesté : c’est le vin émétique(6). Comme le pape est un grand homme de bien, il est fort entier dans ses résolutions ; et quand il est bien persuadé

3. L’édition de 1697 ajoute ici une phrase qui n’est pas dans notre manuscrit : " Cependant il est cruel de n’avoir point d’autre usage à mettre son esprit. 4. Le 28 mars. 5. La lettre que Bussy adressait au Roi se trouve parmi ses lettres imprimées (tome VI, p. 575, de l’édition de M. Lalanne) mais on en a retranché un fragment qui peint la situation déplorable où se trouvaient ses affaires. Il dit au Roi : " Je me donnai l’honneur de Vous écrire l’année passée que mes terres étoient en décret ; j’assure Votre Majesté, Sire, que j’en ai donné la jouissance à mes créanciers pour m’épargner la honte d’un éclat. Rien au monde ne me pourroit obliger de mentir à Votre Majesté ; mais ceci n’est que trop public, et vous en pouvez savoir la vérité de toute la Bourgogne. L’état où je suis, Sire, me mettroit au désespoir, si je n’avois confiance en Dieu et en vous. » II demandait au Roi le payement d’appointements arriérés de la charge de mestre de camp général de la cavalerie légère. Voyez la lettre du 29 septembre suivant, p. 112. (Note de l’édition de 1818.) 6. Après le mot " émétique ", une autre main que celle de Bussy a ajouté dans notre manuscrit : " pour moi."