Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/205

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meurera pas sans rien faire. Vous savez ce qu’ils ont fait pendant que le maréchal d’Humières perdoit bien du monde à Valcourt[1] Ce marmot[2]! entrer l’épée à la main, et forcer ce château, et tuer et enlever[3] onze ou douze cents hommes ! représentez-vous un peu cet enfant devenu un homme, un homme de guerre, un brûleur de maisons : ma fille, ces pensées ne se soutiendroient pas, si on ne pensoit en même temps que Dieu le conservera et que ce qu’il garde est bien gardé. En vérité, ma chère Comtesse, vous avez raison de dire que je ne suis pas indifférente à cet enfant et à vos affaires[4]; ce n’est pas même s’y intéresser, ni les partager, c’est y être tout entière par-dessus la tête ; et où serois-je donc ? c’est ce qui m’occupe, et qui m’entretient[5], et qui m’émeut, et qui me fait sentir que je suis encore trop en vie.

Corbinelli est tout pétri dans le mystique, il y a plus d’un an je suis dans cette confidence : tous les dehors de la place sont tellement pris, qu’il ne peut souffrir d’autres lectures. Il a un Malaval[6] qui le charme ; il a trouvé que ma grand’mêre et l'Amour de Dieu de notre


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  1. 6. Voyez les notes 10 et 13 de la lettre précédente, p. 193 et 194. -Dans l’édition de 17S4 : « Ils ont fait une fort jolie action pendant que le maréchal d’Humières se faisoit battre à Valcourt. »
  2. 7. Le marquis de Grignan.
  3. 8. « Ou enlever. » (Édition de 1754.)
  4. 9. « Pour cet enfant ni pour vos affaires  »
  5. 10. Les mots « et qui m’entretient, » ne sont que dans l’édition de 1737
  6. 11. François Malaval (né à Marseille en 1627, mort en 1719), auteur de plusieurs ouvrages qui furent mis à l’Index à Rome, comme suspects d’une spiritualité trop raffinée. L’article de Malaval est très-curieux dans le Dictionnaire historique de Moréri. Qui croira néanmoins qu’un homme devenu aveugle à neuf mois ait acquis autant d’érudition et de connoissances qu’on lui en attribue ? (Note de Perrin, 1754) Le principal ouvrage de Malaval, intitulé Pratique facile pour élever l’âme à la contemplation, fut publié à Paris en 1664.