II 64- DE DE SÉVIGNÉ
A MADAME DE GRIGNAN.
A Paris, ce mercredi, un peu tard, 13è avril. [1]
NON SEULEMENT, ma chère fille, nous ne sommes point parties ce matin, mais nous ne partons pour Bretagne [2] (Edition de 1754.) que dans douze jours, à cause d’un voyage de Nantes que fait M. de Chaulnes. Madame sa femme est donc venue ce matin me demander si je veux bien aller passer dix jours à Chaulnes avec elle, ou bien qu’à jour nommé nous nous trouvions à Rouen, pour aller en Bretagne par Caen ; je n’ai pas balancé je suis tellement en l’air, et tellement partie de Paris, que je m’en vais me reposer à Chaulnes ; Mme de Kerman prend le même parti. Ainsi voilà qui est fait, et nous partons demain ; mais vous, ma chère Comtesse[3]vous voilà à Grignan. J’entre dans vos inquiétudes et je les sens. Vous aviez grande peur[4] qu’il n’y eût point de guerre, et vous songiez dans quel endroit de l’Europe vous seriez obligée d’envoyer votre enfant. La Providence s’est bien moquée de vos pensées; toute l’Europe est en feu vous n’aviez pas songé au prince d’Orange, qui est l’Attila de ce temps. On dit aujourd’hui une grande nouvelle, et qui feroit une grande diversion : le roi de Pologne déclarant la guerre à l’Empereur par vingt sujets de plainte, et le Turc n’ayant point fait la paix, les bords du Rhin ne seroient pas fort à craindre[5]Enfin,ma fille, tout est en
- ↑ LETTRE 1164- 1.-- C’est ainsi que la lettre est datée dans l’édition de 1754. Celle de 1737 ne donne pas les mots un peu tard.
- ↑ 2. Pour la Bretagne
- ↑ 3. Mme de Kerman pense de même. Ainsi voilà qui est fait, nous partons demain pour aller à Chaulnes mais vous, ma chère belle, etc. »Ibidem.)
- ↑ 4. Grand'peur. (Ibidem.)
- ↑ 5. La Gazette du 9 avril parle des ordres envoyés et réitérés par