Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/398

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firmités dont il est accablé ne m’empêchent pas de le croire heureux, quand je pense à l’usage qu’il en fait. Je le conjure de m’honorer toujours de son amitié, La diminution du revenu de sa terre : m’étonne elle est pis que les nôtres, quoiqu’elles soient fort mal. Les vôtres sont-elles tombées dans cette extrémité ? mandez-le-moi. Faites-moi comprendre aussi que quand M. de Grignan est avec vous, vous soyez cent ou quatre-vingts dans votre solitude. Vous dites qu’il faut à vos affaires un autre remède que celui d’être à Grignan, et j’en suis persuadée comme vous.

Ma santé est parfaite, songez à la vôtre. Je ne serois guère étonnée si depuis un mois vous ne faisiez que vous éveiller avant le jour : ce seroit à six heures et demie ou sept heures ; j’en serois contente pour vous comme pour moi ; mais, à quatre ou cinq heures, c’est ce que j’appelle ne point dormir et s’échauffer le sang. Je crois, en effet, que c’est la bise qui vous demande : « Que faites-vous là dans mon palais, dont je suis en possession ? Que n’êtes-vous à Paris, à Versailles, à Aix ? » La fumée qu’elle vous jette[1] dans vos appartements est bien cruelle. Adieu, mon aimable enfant : je n’ai point été incommodée de la messe de minuit. Je vous recommande votre jeunesse ; vous savez mes raisons. Monsieur de Carcassonne me paroit militaire comme l’archevêque Turpin[2].

La pauvre Mme de la Fayette n’a point encore senti la

  1. 58. « Qu’elle jette. » (Édition de 1754.) Les deux phrases suivantes ne sont que dans l’édition de 1737.
  2. 59 Turpin, moine de l’abbaye de Saint- Denis, devint archevêque de Reims vers l’an 760. On lui attribue une chronique fabuleuse de Charlemagne et de Roland, dans laquelle le Boiardo, l’Arioste et les autres poëtes romanciers de l’Italie, ont puisé les fictions qu’ils ont embellies. Il est aujourd’hui reconnu que ces vieilles annales sont l’ouvrage d’un écrivain du onzième siècle. (Note de l’édition de Z818.)