douceur de son nouveau petit ménage : elle n’est pas encore hors de cette colique. C’est Croisilles qui m’écrit au lieu d’elle : sa mauvaise santé l’empêche bien d’être sensible à la douceur de sa vie[1]. C’est une femme aimable, estimable, et que vous aimiez dès que vous aviez le temps d’être avec elle, et de faire usage de son esprit et de sa raison : plus on la connoit, plus on s’y attache. Nous avons bien ri et bien fait des folies avec sa sagesse, vous en souvient-il ? Quand elle parle de vous et de ces temps_là, elle vous met au-dessus de tout ce qu’elle connoit d’esprit et d’agrément ; mais elle est trop malade, il n’y a point de raison.
Mme de Motteville est morte[2]; n’écrirez-vous point à son frère[3]? Je ne saurois blâmer Monsieur d’Aix de tout ce qu’il dit pour s’excuser de ne point aller à Grignan quand il est à la porte : qu’il est un malheureux, qu’il le faut plaindre ; eh bien ! il a raison : ; mais si vous pouvez être contents de lui, je vous conseille de l’être : c’est un mauvais parti que d’avoir toujours des ennemis dont on fait ses plaintes à la cour. Adieu, ma chère enfant :je vous aime comme le mérite votre amitié, et toute votre personne, qui est entièrement selon mon goût.
AU COMTE DE GRIGNAN.
BONJOUR, mon cher Comte[4] ; vous voilà donc dans votre château, qui étoit autrefois une place dont Fré-
- ↑ 60. « D’être sensible à tout le reste. » (Édition de 1754.)
- ↑ 61. Mme de Motteville mourut à Paris le 29 décembre 1689. Mme de Sévigné s’était rencontrée avec elle à Fresnes, au mois d’août 1667. Voyez tome I, p. 493, note 3.
- ↑ 62. Nous lisons dans la Notice sur Mme de "Motteviïïe (collection Petitot, tome XXXVI, p. 287) qu’elle avait un frère qui « fut employé dans les affaires étrangères. »
- ↑ 63. « Je viens à M. de Grignan. Mon cher Comte, bonjour. » (Édition de 1737.) Voyez ci-dessus, p. 388, note 36.