Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/443

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vos peines, l’amitié le veut ainsi. Je comprends combien l’unique remède qui peut vous être bon, est mauvais et pour vos affaires de la cour, et pour votre réputation dans la province. Vous savez mieux qu’une autre que ce n’est point ainsi qu’il faudroit faire sa charge, si on pouvoit faire autrement, et que ce n’est point en se cachant dans son château que l’on passeroit l’hiver tout entier, sans voir par où l’on en pourroit sortir. Vous êtes bien heureuse, comme vous disiez l’autre jour, que les malheurs de vos pauvres amis adoucissent les vôtres : c’est un grand soulagement que d’en pouvoir parler, que de s’en consoler ensemble ; mais je sens fort bien que dans l’état où vous êtes, il est entièrement impossible de lire ; c’est aussi en badinant que je vous tourmente là-dessus :le moyen en effet de s’occuper des règnes passés, quand on souffre actuellement des maux sensibles ? Je connois cet état : on relit vingt fois la même page ; et je vous assure que bien que mon fils lise parfaitement, j’ai de si grandes distractions et je fais de si fréquents voyages en Provence, qu’il ne m’est nullement difficile de savoir ceux que vous feriez, si vous vouliez vous opiniàtrer à quelque lecture. Tout ce que j’admire, c’est que Dieu vous conserve votre santé parmi tant de peines accablantes. Que je vous plains ! et que l’état de vos affaires est préjudiciable à l’établissement de votre pauvre enfant ! Le voilà enfin à Paris ; il est vrai qu’il a été un peu lendore2 sur son départ de cette garnison ; mais le voilà faisant sa cour à Versailles ; on me mande qu’il espère vendre sa compagnie; cette raison est bonne. J’ai tou-

2. « C’est un nom ou épithète qu’on donne à ces gens flasques, languissants et fainéants, qui semblent être toujours en état de vouloir dormir, et qui ne sont propres à aucun travail. (Dictionnaire de Furetière, 1690.) Le Dictionnaire de l’Académie de 1694 dérive ce mot de dormir.