Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/454

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

1263. DE MADAME DE SÉVIGNÉ

A MADAME DE GRIGNAN.

Aux Rochers, mercredi des cendres 8è février.

Toute chose cessante, ma fille, dites-moi tout à l’heure d’où vient que vous avez encore Mme Reinié[1] ? est-ce que vous la faites venir parler à vous, comme de la rue Saint-Honoré à l’hôtel de Carnavalet ? ou si le voyage de Paris à Grignan lui paroit comme celui de Paris à Livry ? Je ne puis rien imaginer qui ait pu l’obliger à faire ce second voyage. La pauvre personne ! vraiment, je ne m’étonne pas qu’elle ait mal tout partout[2] Mon Dieu! que Pauline est jolie ! qu’elle est plaisante! que sa petite vivacité, que je vois d’ici, est aimable et divertissante ! Sans vouloir louer la qualité de contrefaire, il faut avouer que c’est la chose du monde qui réjouit le plus parfaitement. Comme je suis persuadée que Pauline n’en fera point un mauvais usage, et que ce plaisir ne sera que pour sa famille, je suis fort aise qu’elle ait ce talent, et j’espère bien en avoir ma part, toujours sous-entendu si Dieu le veut. Son frère est assez bon singe aussi ; mais il a bien d’autres affaires : il est occupé de son équipage. Vous verrez ce que l’abbé Bigorre m’en mande, et combien il songe peu au carnaval; il est en vérité d’une sagesse et d’une solidité qui surprend. Il mange chez la Poirier[3], sans aucune façon, ni aucun excès de bonne chère ; je voudrois qu’il allât quelquefois chez Mme de Coulanges, qui est seule ; elle en seroit ravie. Mais que dites-vous de

  1. LETTRE 1263. -- 1. Voyez la lettre du 26 octobre 1689, ci-dessus, P- 277.
  2. 2. C’étoit une expression favorite de cette Mme Reinié. (Note de Perrin.)
  3. 3. Femme du valet de chambre du chevalier de Grignan. Voyez ci-après, p. 532.