Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/501

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comme une opinion probable dans Pascal[1] Voilà, ma chère bonne, où nous devons en demeurer ; car pour passer à Paris avant que de vous aller voir, c’est ce qui ne convient ni à mon goût, ni à mes affaires. L’abbé Charrier est à Paris ; il vous écrira de Lyon.

Vraiment[2], vous avez retenu si follement toutes les sottises que j’ai dites sur ces cruelles haleines que j’ai le malheur de sentir plus que les autres, que vous m’en avez fait rire, comme si je n’en avois jamais entendu parler. Il est vrai que j’ai le nez trop bon ; et si par hasard quelqu’un de mes amis avoit empoisonné ses paroles en me parlant, je n’aurois pas au moins à me reprocher de ne les avoir point avertis. Mais les gens qui comptent leur corps pour rien, comptent pour rien aussi l’incommodité de leur prochain. M. de Pommereuil a présentement les plus belles dents du monde. Je lui dis aussi avec plaisir que j’aurois vu Mme de Goetlogon[3] si son mari m’avoit visitée. II m’approuva, détesta le mari, et avoit donné un bon exemple ; car arrivant de Paris, le lendemain que je fus arrivée à Rennes, il arrêta chez moi avant que d’entrer chez lui, et m’embrassa, et fit

  1. 3. Voyez dans la sixième Provinciale, le passage où le bon père fait voir à son interlocuteur tout le « progrès d’une opinion nouvelle, depuis sa naissance jusqu’à sa maturité, » et qui commence ainsi : « D’abord le docteur grave qui l’a inventée, l’expose au monde, et la jette comme une semence pour prendre racine. Elle est encore foible en cet état, mais il faut que le temps la mûrisse peu à peu ; et c’est pourquoi Diana, qui en a introduit plusieurs, dit en un endroit : « J’avance cette opinion mais parce qu’elle est nouvelle, je la laisse mûrir au temps, etc. »
  2. 4. Dans l’autographe, il y a ici et plus loin (p. 499, lignes 1 et 12) : vrament. Voyez ci-dessus, p. 484, note 23.
  3. 5. Le marquis de Coetlogon était « lieutenant pour Sa Majesté des évéchés de Rennes, de Vannes, de Saint-Malo et de Dol, ou de la haute Bretagne, à la réserve du comté nantois ; il était aussi gouverneur de la ville de Rennes. » (État de la France de 1689, p. 422)