Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/500

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modée . vous vous fîtes saigner et purger, vous vous en trouvâtes très-bien. Je vous en fais souvenir, ma chère bonne, parce qu’il n’y a rien que je trouve si considérable que la santé. Vos maux de gorge sont effrayants ; vous me présentez le vôtre comme une légère incommodité : Dieu le veuille ! Je voudrois toujours que jamais vous ne fussiez sans du baume tranquille : il est souverain à ces sortes de maux, et je crains que vous n’en manquiez, quand je songe combien vous en avez fait prendre à Martillac de tous les côtés. Vous n’auriez qu’à prier l’abbé Bigorre de vous en envoyer une petite bouteille ; on les paye un écu ou une demi-pistole, ce ne seroit pas une affaire ; songez-y, ma bonne, ne soyez jamais sans un tel secours. Ne vous échauffez point le sang : les échecs vous font mal en vous divertissant ; mais c’est une occupation, ce n’est pas un jeu. Je gronde Pauline, je lui dis qu’elle ne vous aime point de vous donner cette émotion[1]. J’ai grondé Monsieur le chevalier ; je vous gronde, ma bonne : d’ici je ne puis pas mieux faire.

Pour nos desseins, je vous ai dit mon projet. Si vous n’allez point à Paris, je n’irai point ; si vous y alliez, vous feriez le miracle de forcer mes impossibilités. Si vous êtes à Grignan, j’irai, et je me fais un grand plaisir de songer que si Dieu le veut bien, je passerai cet hiver avec vous : le temps passe bien vite avec une telle espérance mais je vous demande bien sérieusement de ne rien dire à Paris de ce dessein. Ce me seroit un embarras et un chagrin dans le commerce que j’ai avec mes amies, qui commencent déjà de souhaiter mon retour et de m’en parler. Laissons mûrir le dessein de ce voyage de traverse[2]

  1. LETTRE 1273 (revue sur l’autographe). -- 1. Voyez ci-dessus, p. 487.
  2. 2. En dehors de ceux que nous projetions jusqu’à présent : voyez plus haut, p. 2, note 4.