Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/513

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sort une vocation à la douzaine, mais une vocation qui ne chante pas moins haut que l’ordre de saint Benoit[1] Ah! ma pauvre petite, que je voudrois bien être là pour vous apaiser, pour vous remettre l’esprit ! Je ferois encore plutôt qu'Agnès et le corps mort s’en allassent ensemble[2]; car toutes ces petites afflictions ne font que brouiller le sang, et troubler la joie de sa belle jeunesse. Il me semble que vous êtes méchante : vous prenez plaisir à les voir languir et se lamenter ; consolez-les ; ce n’est pas une chose aisée à soutenir que la pensée de n’être pas aimée de vous : croyez-m’en.

J’embrasse ma chère Pauline; j’aime cette petite personne ; menez-la doucement : il y a des esprits que l’on ne gagne que par là6[3]. J’écrirai à Martillac; je ne la saurois imaginer affligée ; consolez-la ; remettez la joie dans tous les cœurs : cela dépend de vous.

Pour Monsieur le Coadjuteur[4]7, je vous avoue que je suis impitoyable à ses longues et cruelles froideurs, pour ne pas dire inhumanités. Je lui souhaite d’aussi longs remords, une compagnie de dragons longtemps logée dans son cœur, soutenue des remords et des repentirs qu’il mérite. Quoi? il aura percé, vingt ans durant, le cœur de ce bon et illustre prélat ; il lui aura fait souffrir toutes les peines que l’ingratitude fait souffrir, au lieu d’être sa consolation et son coadjuteur, non-seulement dans les

  1. 4. Voyez la lettre du 23 avril précédent, p. 499, et celle du 12 juillet suivant, p. 542.
  2. 5. Allusion à ces vers de l’École des femmes de Molière (acte V, scène v) Je ne sais ce que c’est. mais il me semble Qu’Agnès et le corps mort s’en sont allés ensemble. Voyez la Notice, p. 233 et 234.
  3. 6. Dans l’édition de 1827, à cette fin de phrase a : « par là, » on a substitué « par la douceur. »
  4. 7. Archevêque d’Arles depuis le mois de mars 1689.