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  • I277- DE MADAME DE SÉVIGNÉ

A MADAME DE GRIGNAN.

Aux Rochers, ce 24è mai[1]

Je voudrois bien que M. Gaillard1[2] eût vu cette lettre du 13è. Quelle facilité! quelle éloquence! avec quel respect tous les mots viennent s’offrir à vous et à l’arrangement que vous en faites! Vous êtes ingrate et insensible à ce que vous avez reçu de Dieu; car l’épitre de dimanche vous assure que vous n’avez rien de vous-même[3] ainsi on peut examiner ses bienfaits pour en avoir de la reconnoissance. Si on s’entendoit bien, la vanité seroit bannie du commerce des honnêtes gens on laisseroit ce sot vice aux ignorants qui se font honneur de ce qui ne leur appartient pas.

Pour moi, j’ai une fantaisie que je n’ose dire qu’à vous : c’est que si j’étois dévote, comme par exemple M. de la Garde, je crois, contre l’ordinaire, que je conviendrois avec mes amis des grâces singulières et précieuses que je recevrois de Dieu, du changement de mon cœur qu’il auroit tourné avec cette douce et miraculeuse puissance qui fait que nous ne nous reconnoissons pas nous-mêmes et dans

  1. LETTRE 1277 (revue sur une ancienne copie), -- 1. Dans Je manuscrit, ce fragment n’a qu’une date de jour et de mois, sans date d’année, mais l’année nous paraît marquée par la mention de l’épître du précédent dimanche (voyez la note 3) et par ce qui est dit de la dévotion du comte de la Garde (voyez ci-dessus la fin de la lettre du 2 novembre 1689, p. 293, 294, et les lettres du 24 et du 28 décembre, p. 369, 377, etc.). Puis en 1690 le 24 mai est bien un mercredi, c’est-à-dire un des deux jours de courrier de Mme de Sévigné.
  2. 2. L’avocat, frère du P. Gaillard le jésuite prédicateur du Roi: voyez tome VI II, p. 287, fin de la note 2.
  3. 3. L’épître du dimanche de la Trinité, qui en 1690 était tombé au 21 mai. En voici le dernier verset (le 36e du chapitre X1 de l'Épitre de saint Paul aux Romains) « Car tout est de lui (de Dieu), et par lui et en lui à lui gloire dans tous les siècles….. »