1 280. DE MADAME DE SÉVIGNÉ A DU PLESSIS.
Aux Rochers, dimanche 4è juin.
J’ai reçu votre grande lettre, n’en soyez point en peine ; j’en ai été pénétrée ; vous me parlez avec une véritable confiance, et je suis touchée de ces marques d’amitié. Je vous y répondis en peu de mots, et vous m’avez écrit dans le même temps que je vous écrivis l’autre jour par Mme de Vins. Ne soyez point en peine de tout ce que vous me mandez, mon cher Monsieur ; j’ai en vérité senti toutes vos peines[1], et je les ai assez bien comprises pour n’être pas surprise que votre sang en eût été en colère, et qu’il vous ait tourmenté par des érysipèles ; c’est un cruel mal, je le connois; j’espère qu’un jour nous causerons à cœur ouvert sur toutes ces choses.
Le marquis eût été bien heureux si vous lui aviez donné des conseils : tout a été à la débandade, on a jeté l’argent, et comme vous dites, il n’a point eu un bon air cet hiver, et il n’a pas encore présentement cet équipage avec lui, et il perd un cheval dès la première journée. C’est que tout cela est mal conduit et qu’il n’y a point de tête. Il a bien perdu à la vôtre. Je souhaite tout bonheur à Monsieur de Carcassonne[2], il faut tout abandonner à notre Providence, car on se pendroit sans cette vue, qui calme et qui console. Adieu, mon cher Monsieur. Si je finis ce n’est pas faute d’avoir bien des