1287. DE MADAME DE SÉVIGNÉ AU COMTE DE BUSSY RABUTIN.
Trois semaines après que j’eus écrit cette lettre (no 1282, p. 522), je reçus celle-ci de Mme de Sévîgné.
Aux Rochers, ce 12è juillet 1690.
JE veux vous écrire, mon cousin, sur la bataille qu’a gagnée M. de Luxembourg : c’est un sujet de discourir fort naturel. Ne trouvez-vous pas que Dieu prend toujours le parti du Roi, et que rien ne pouvoit être ni plus glorieux à la réputation de ses armes, ni mieux placé que cette pleine victoire? Ces grandes nouvelles donnent toujours beaucoup d’émotion aux intéressés, ou qui ont peur de l’être. Le petit de Grignan, qui étoit dans le corps que commande M. de Boufflers, a pu être de ceux qui ont été détachés pour aller joindre M. de Luxembourg[1]. J’ai encore deux ou trois jeunes gens à qui je prends intérêt. Jusqu’à ce que j’aie démêlé ce qu’ils sont devenus, le cœur me bat un peu, et puis je n’ai plus que la pitié générale pour tous ceux qui ont péri à cette bataille[2] Je suis très-fâchée de la mort du pauvre Jussac[3] ; cette sorte de mort est non-seulement violente, mais en-
- ↑ LETTRE 1287. -- 1. Il ne faisait pas partie du détachement dont il a été parlé plus haut, p. 536, .note 3 ; mais il était resté avec le marquis de Boufflers. Voyez ci-après, p. 559, la lettre du 19 juillet suivant, à du Plessis.
- ↑ 2. La Gazette dit (p. 336) « Nous avons eu deux mille hommes tués ou blessés, et plus de trois cents officiers. »
- ↑ 3. Le duc du Maine chargea à la tête d’un escadron de gendarmerie l’escadron ennemi qui lui était opposé. II le rompit et le mit en déroute ; « » mais il essuya un fort grand feu d’infanterie, et ce fut dans cette occasion que le comte de Jussac, premier gentilhomme de sa chambre,….. le marquis de Villarceaux….. le chevalier de Soyecourt….. furent tués. (Gazette du 20 juillet, p. 359 et 360.) -- Voyez sur Jussac tome V, p. 310, note 8.