Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/554

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maxime soit admirable, et prise même du Seigneur, de dire qu’à chaque jour suffit son mal[1]quand ce mal est au-dessus de nos forces, et qu’il est si fréquent, nous y succomberions sans doute, si lui-même ne nous soutenoit, et c’est à lui que je m’adresse pour le soulagement des peines qu’il vous envoie. Mille francs par mois à votre fils, la Provence à nourrir à M. de Grignan, et tous les engagements que vous avez cette année : ma bonne, ne parlons point de cela ; c’est quasi pis que ce qui vous faisoit dire cette parole; mais pour en sentir pourtant la différence, songez, ma bonne, à cette grande bataille gagnée par M. de Luxembourg, où Dieu a conservé votre enfant. Il n’y étoit pas encore ; mais enfin vous êtes assurée qu’il se porte bien. Voyez les noms de tous ceux qui ont péri ; songez à Mme Cauvisson : ce fils, ce cher fils, dont les moindres intérêts la faisoient monter aux nues, marié contre son gré[2] une stérilité dont elle étoit inconsolable le voilà mort; que deviendra-t-elle? On pourra bien dire d’elle forsennata gridava[3] ;l’air sera rempli de ses clameurs ;elle me fait pitié, et à vous aussi,

  1. 4. Évangile de saint Matthieu, chapitre VII, verset 34-
  2. 5. Le marquis de Nogaret Cauvisson que l’on n’appelait pas autrement à la cour que Son Impertinence, avait été marié par le Roi avec Mlle de Bîron (voyez tome VII, p. 147, note 5), lorsque cette dernière se trouva sans emploi par la suppression de la chambre des filles de la Daupline. Ce mariage avait été fait contre le gré de Mme de Cauvisson, et peut-être son fils, en se mariant, n’avait-il fait qu’obéir à son souverain. Suivant Mme de Caylus, Mlle de Biron n’était plus ni jeune ni belle ; suivant Saint-Simon, elle était laide, grosse avec une physionomie qui réparait tout'. Voyez les Souvenirs de Mme de Caylus, tome LXVI, p. 423, et les Mémoires de Saint-Simon, tome I, p. 362. (Note de l’édition de 1827.)
  3. 6. « Hors d’elle-même, elle criait. » C’est le commencement de la stance XL du XVI» chant de la Jérusalem délivrée. Il s’agit d’Armide que Renaud vient d’abandonner. Le copiste, et probablement aussi Mme de Sévigné, ont écrit forcennata, d’après l’orthographe française, forcené.