Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/559

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mée. Je suis d’accord avec vous, Madame, sur le sujet de Jussac, que quand on a interrompu la cour ou la guerre pendant quelques années, il n’y faut plus retourner. J’en ai toujours vu de méchantes suites, surtout à la guerre, où quand on se sauve du coup de mousquet, on succombe sous les fatigues que l’âge ne permet plus de supporter. Tout le monde plaint les Villarceaux père et fils ; et sur ce sujet, on remarque combien la Providence se joue de la conduite des hommes. Villarceaux le père refuse le cordon bleu, pour le faire avoir à son fils[1], et par cette action mérite l’estime générale. A la vérité, c’est ce cordon bleu qui fait tuer son fils. Il le montra pour s’attirer par là des égards et des respects de ceux qui l’avoient pris. Ceux-ci disputant entre eux à qui auroit un prisonnier de cette conséquence, le tuèrent, ne se pouvant accorder.

Je connois trois jeunes veuves de cette bataille avec lesquelles il faudroit se réjouir de la mort de leurs maris, et deux dames qu’il faudrait consoler de la vie des leurs, réchappés de leurs blessures[2] . Les dieux d’hymen et d’amour sont incompatibles il y a longtemps.

Les Hollandois qui avouent notre victoire, car il y en a parmi eux qui n’en demeurent pas d’accord, disent que M. de Luxembourg s’est donné au diable pour gagner ce combat. Vous dites plaisamment, ma chère cousine, que ces grandes nouvelles sont de temps en temps nécessaires à la campagne et que sans les émotions

  1. 2. Le marquis de Villarceaux fils (c’est ainsi qu’il est nommé dans la Gazette de 1689, p. 10) fut de la promotion du 2 décembre 1688, et reçut l’ordre des mains du Roi, le Ier janvier suivant.
  2. 3. Cette phrase a été ainsi modifiée dans la première édition (1697) « Il y a telles des jeunes veuves de cette bataille avec lesquelles il faudrait se réjouir de la mort de leurs maris, et telles autres dames qu’il faudroit consoler de la vie des leurs réchappés de leurs blessures. »