grande partie de nos troupes ne m’en demandent pas davantage.
Voici comme je fis hier [pour] M. de Schomberg; le maréchal d’Estrées l’a su d’original. Un chevalier Tac[1], officier des gardes du roi d’Angleterre, se mit en fantaisie d’aller tuer romanesquement un homme de grande apparence qu’il voyoit passer la rivière : il y alla en effet, et si brusquement, que M. de Schomberg (car c’étoit lui) fut surpris ; il lui donna deux coups de sabre sur la tête, un coup de pistolet dans la gorge, et s’en revint à toute bride, disant « Je viens de mettre en mauvais état un cordon bleu. » En même temps, ce chevalier de Tac, après avoir tué M. de Schomherg, fut tué lui-même. Voilà la fin tragique de ce héros, mal secouru des siens, et abandonné à sa malheureuse destinée. Pour le prince d’Orange, il n’a pas été à mon pouvoir[2] de rendre sa blessure mortelle. Mais revenons à M. de Catinat : la belle action! J’en écris à Croisilles [3] .
Vous voyez bien que le ciel conserve votre fils[4]il ne veut pas qu’il soit en péril cette année. Consentez à cette douceur, jouissez-en, et voilà ce que je vous puis dire : ce ne seroit que recommencer.
En trois mots, je ne veux point emprunter ; je n’irai point à Grignan, parce que je vois clairement que je
- ↑ 9. On croit que ce fut sir Charles Take qui tua le maréchal de Schomberg à la bataille de la Boyne. Voyez la Vie de Jacques II, par Clarke, Paris, 1819, tome IV, p. 179. Ce nom propre est étrangement défiguré dans le manuscrit : on y lit Tué, dont l’édition de 1827 a fait Tue. Ce changement est facile à expliquer Mme de Sévigné avait sans doute écrit Tac, avec un a et un c mal formés.
- ↑ 10. Dans l’édition de 1827, on a remplacé « à mon pouvoir, » par « en mon pouvoir. »
- ↑ 11. Frère de Catinat. Voyez tome VIII, p. I98, note 6.
- ↑ 12. Nous avons vu plus haut, p. 564. que le marquis de Grignan était dans l’armée de Catinat. Voyez plus loin, p. 574 et note 4.