Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/591

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et que, toutes dettes payées, il laisse quatre cent mille livres de rente. J’ai toujours eu des pressentiments qu’il ne vivroit pas longtemps, car je ne lui ai jamais rendu de visite, ni même parlé à lui. Il s’est épuisé avec les demoiselles : tout ce qui a aimé l’argent à la cour plus que l’honneur a passé par ses mains. Je viens de faire -compliment sur cette mort à mon ami Beauvilliers.[1]

Mais à propos de la cour, je me réservois toujours à vous dire tout ce qui s’y étoit passé sur mon sujet, quand je vous reverrois à Paris, où je prétends aller cet hiver : mais puisque je ne vous y trouverai pas, je vous en vais dire une partie. Vous savez, ma chère cousine, que j’offris mes services au Roi en arrivant à Versailles, et qu’il me reçut agréablement ; mais vous ne savez pas que j’écrivis à Mme de Maintenon, et que la prière que je lui fis de m’assister auprès du Roi, l’obligea de parler en ma faveur à Sa Majesté ; car deux jours après cette lettre écrite, le Roi fut changé du blanc au noir sur mon sujet. Il seroit trop long de vous dire les raisons qui m’empêchèrent après cela de réussir dans le dessein que j’avois :il suffit que vous sachiez qu’au solide près, je reçus tous les agréments imaginables de la part du maître, et toutes les bonnes paroles de faire quelque chose pour moi.

Comme je fus prêt à partir de la cour, je voulus payer le Roi de toute la bonne chère[2] qu’il m’avoit faite; et voici ce que je lui donnai en main propre comme il alloit chez Mme de Maintenon, en lui disant : Sire, j’ai tant d’envie de servir Votre Majesté de quelque manière que ce soit, qu’en voici une nouvelle que je lui offre, qui peut-être ne lui déplaira pas. » Le Roi tendit la main, et

  1. 4. Qui avait épousé une soeur de Seignelai.
  2. 5. Mine, visage, accueil : voyez tome III, p. 438, note 11.