586
en prenant mon mémoire, il me dit Je le verrai, Monsieur[1]. »
DU COMTE DE BUSSY AU ROI.
Sire,
J’ai offert à Votre Majesté[2] mes très-humbles services en arrivant à la cour : si Elle ne juge pas à propos de m’employer à la guerre, j’ai d’autres services à lui offrir, c’est d’écrire sa vie, et sans lui demander pour cela autre chose que des mémoires, j’y travaillerai chez moi, et j’apporterai de temps en temps à Votre Majesté ce que j’aurai écrit, pour qu’elle voie si elle en sera satisfaite.
Je sais bien, Sire, que des personnes d’esprit et de mérite sont chargées de cet ouvrage[3]8 mais quand beaucoup de gens écriront l’histoire de Votre Majesté, cela n’en diminuera pas la gloire, et peut-être que mon nom, ma profession, le rang que j’ai tenu dans la guerre, ma manière d’écrire, et l’état même de ma fortune, donneront du mérite à ce que j’aurai écrit. Il n’y a proprement que les princes, Sire, qui puissent bien écrire leur histoire. César, qui eut plus de loisir et moins d’ennemis sur les bras que vous, écrivit lui-même ses guerres, et ne s’en voulut fier à personne. L’empereur Cantacuzène[4] écrivit sa vie, aussi bien que celle de l’empereur Andronic son prédécesseur. La princesse Anne Comnène[5] écrivit l'histoire de l’empereur Alexis son père.
Mais quand les princes ne se sont pas trouvés en état de travailler eux-mêmes à ces sortes d’ouvrages, ils y ont employé
- ↑ 6. Dans sa lettre à sa fille, du 23 avril, Bussy rapporte autrement les mots qu’il adressa au Roi et la réponse du Roi : « Sire, voilà un petit mémoire que je supplie très-humblement Votre Majesté de lire. » Il me tendit la main et me dit : « Donnez, Bussy. »
- ↑ 7. Les mots « à Votre Majesté, » ont été omis dans le manuscrit.
- ↑ 8. Voyez tome V, p. 383 et 427.
- ↑ 9. Jean Cantacuzène, empereur d’Orient, a écrit quatre livres de l’histoire byzantine, qui s’étendent depuis l’année 1320 jusqu’à l’année 1357. Ils furent traduits en français par le président Cousin dans son Histoire de Constantinople (Paris, 1672-1674, 8 volumes in-4o).
- ↑ 10. Voyez tome V, p. 278,note 11.