Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/601

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vous persuaderez aux siècles à venir. Cet endroit est neuf et surprend, et nous appréhenderions seulement qu’il ne fût capable d’empêcher les bonnes volontés, pour laisser à ce que vous diriez toute sa force, si nous n’étions persuadées que la justice l’emportera toujours sur l’intérêt particulier.

Enfin, mon cher cousin, vous me direz la suite de ce commencement, dont je vous suis très-obligée de m’avoir instruite : personne assurément n’y prend tant d’intérêt que moi. Je crois que je vous ai porté malheur : mon coeur auroit été trop sensible à tous les honneurs qui devoient rehausser et faire briller notre illustre et vieille chevalerie. Dieu m’a voulu punir en vous humiliant mais vous n’êtes pas humilié, votre courage vous soutient :c’est moi seulement qui suis foible et sotte.

Il y a longtemps que vous devez croire que le maître et tous ses courtisans sont persuadés que vous avez bien de l’esprit ; si cette marchandise entroit dans le commerce, vous en auriez dû trafiquer pour avoir du bonheur et de la fortune ; mais elle est souvent de contrebande. Quoi qu’il en soit, Dieu a conduit votre vie et vous fait la grâce d’être soumis à ses volontés : c’est tout ce que vous pouvez desirer présentement, et je croirois volontiers que cette résignation[1] viendrait un peu de notre grand'mère [2]

Nous allons passer l'hiver à Grignan très paisiblement. M. de Grignan ira à Paris, quand il sera rems d'une fièvre et d'une colique violente qu'il a eue depuis dix jours ; il vous fait mille compliments et ma fille bien des amitiés. Pour moi, mon cher cousin, vous savez comment je suis pour vous : il est trop tard pour changer. N'est-il pas vrai, ma chère nièce ? Vous devez répondre pour moi, et

  1. 2 Ici encore, et au commencement du sixième alinéa de la lettre suiyante (p. 597), il y à résination dans le manuscrit.
  2. 3. Sainte Chantal.