Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/603

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le mieux remarquer, ni le louer avec plus d’esprit que vous le faites.

Vous me mandez que l’endroit où je dis au Roi que ce me sera une espèce de consolation de n’avoir pas les honneurs pour lesquels j’ai travaillé si longtemps, quand je songerai que la postérité en aura plus de foi pour tout le bien que j’aurai dit de lui ; que cet endroit, dites-vous, est neuf et surprenant, mais que vous craindriez qu’il ne fût capable d’empêcher les bonnes volontés du Roi, pour laisser à ce que je dirois toute sa force ; il est vrai, ajoutez-vous, que vous êtes persuadée que la justice l’emportera toujours dans son cœur sur son intérêt particulier. Pour moi, ma chère cousine, je ne suis pas rassuré seulement par la même raison que vous : je crois encore que le Roi craindra que la postérité ne trouve que l’ingratitude est capable de gâter la plus belle vie du monde ; assez assuré qu’il est de la créance qu’auront les siècles à venir de la vérité de sa gloire. Je n’ai garde de vous supprimer la suite de tout ceci, s’il y en a ; mais assurément il y en aura, car j’en ferai une moi tout seul, quand le Roi ne voudroit pas en être de moitié. Si je n’ai d’autre pouvoir, au moins aurai-je celui de me plaindre. Il est certain, ma chère cousine, que ma résignation n’est pas naturelle, à moi né vif, prompt et sensible. Il n’y a que Dieu qui puisse donner autant de patience que j’en ai, et je crois que saint François de Sales et notre grand’mère n’ont pas seulement demandé à Dieu toutes mes disgrâces, mais encore l’esprit de les souffrir comme je fais. Je ne vous plains pas, vous et la belle Madelonne, d’être demeurées seules à Grignan. Si vous perdez pour un temps la conversation d’un gendre agréable, il vous la remplacera par des nouvelles, et puis c’est une nouvelle scène. Je vous

supplie qu’il sache que je suis bien son serviteur ; et la belle Comtesse, que je ne laisserois pas