Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/61

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bonne ne peut être toujours dans l’état où elle est qu’à coups de pierre8. [1] Quelle jolie folie !9. « La jolie folie ! » (Edition de 1754) j’en suis très-persuadée, et c’est ainsi que Deucalion et Pyrrha raccommodèrent si bien l’univers; ceux-ci en feroient bien autant en cas de besoin : voilà une vision trop plaisante.

A MADAME DE GRIGNAN.

A Rennes, mercredi 1è mai.

Vous voilà donc saignée ; j’en loue Dieu, ma chère enfant, et j’avoue que j’en suis soulagée ; j’ai grande envie de savoir si votre tête en aura été débarrassée[2].

A coups de pierre ils ne s’attendoient guère

De repeupler l’univers solitaire.

Deucalion et Pyrrha seuls restoient,

Et par-dessus leurs têtes ils jetoient,

Non sans horreur, les os de leur grand’mère.

Simples cailloux en langage vulgaire

Étoient ces os. Sur la foi du mystère

Le grand débris du monde ils rajustoient,

A coups de pierre.

Tous deux avoient leurs pareils à refaire,

Qui n’étoit pas une petite affaire;

De leur travail, comme ils s’y comportoient,

Corps, têtes, bras, mains, pieds, jambes sortoient:

Ils firent là ce qu’on ne voit plus faire,

A coups de pierre.




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  1. 8. Mme de Rochebonne avait un grand nombre d’enfants. Voyez la lettre du 20 juillet suivant, p. 124. Mme de Sévigné fait allusion à ce rondeau de Benserade, le neuvième des Métamorphoses d’Ovide en rondeaux publiées -en 1676 à l’Imprimerie royale.
  2. LETTRE 1179. -- « J'en loue Dieu, ma chère enfant : j'ai une grande envie de savoir si votre tête en aura été soulagée.» (Edition de 1737.)