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Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/199

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seriez point ennuyée ; vous auriez peut-être pleuré une petite larme, puisque j’en ai pleuré plus de vingt ; vous auriez admiré votre bellesœur ; vous auriez vu lésante. ? (les demoiselles de Grancey) devant vous, et la Bordeaux[1], qui était habillée en petite mignonne. M. le Duc était derrière, Pomenars au-dessus, avec les laquais, son nez dans son manteau, parce que le comte de Créance le veut faire pendre, quelque résistance qu’il y fasse ; tout le bel air était sur le théâtre : le marquis de Villeroi avait un habit de bal ; le comte de Guiche ceinturé comme son esprit ; tout le reste en bandits. J’ai vu deux fois ce comte chez M. de la Rochefoucauld ; il me parut avoir bien de l’esprit, et il était moins surnaturel qu’à l’ordinaire. Voilà notre abbé, chez qui je suis, qui vous mande qu’il a reçu le plan de Grignan, dont il est très-content : il s’y promène déjà par avance ; il voudrait bien en avoir le profil ; pour moi, j’attends à le bien posséder que je sois dedans. J’ai mille compliments à vous faire de tous ceux qui ont entendu les agréables paroles du roi pour M. de Grignan. Madame de Verneuil me vient la première, elle a pensé mourir. Adieu, mon enfant. Que vous dirai-je de mon amitié, et de tout l’intérêt que je prends à vous à vingt lieues à la ronde, depuis les plus grandes jusques aux plus petites choses ? J’embrasse Y admirable Grignan, le prttde/i^coadjuteur, et le présomptueux Adhémar : n’est-ce pas là comme je les nommais l’autre jour ?


84. — DE Mme DE SÉVIGNÉ À Mme DE GRIGNAN.

À Paris, mercredi 20 janvier 1672.

Voilà les maximes de M. de la Rochefoucauld revues, corrigées et augmentées ; c’est de sa part que je vous les envoie : il y en a de divines ; et, à ma honte, il y en a que je n’entends point ; Dieu sait comme vous les entendrez v II y a un démêlé entre l’archevêque de Paris[2] et l’archevêque de Reims : c’est pour une cérémonie. Paris veut que Reims demande permission d’officier ; Reims jure qu’il n’en fera rien : on dit que ces deux hommes ne s’accorderont jamais bien, qu’ils ne soient à trente lieues l’un de l’autre : ils seront donc toujours mal. Cette cérémonie est une canonisation d’un Bwgia, jésuite ; toute la musique de l’Opéra y fait rage : il y a des lu

  1. Dont la fille fut mariée au comte de Fontaine-Martel, premier écuyer de la demoiselle d’Orléans.
  2. Harlay de Champvallon.