riter de sa mère[1]. M. du Plessis-Guénégaud est mort aussi ; vous savez ce qu’il vous faut faire à sa femme.
Corbinelli dit que je n’ai point d’esprit quand je dicte ; et sur cela il ne m’écrit plus. Je crois qu’il a raison ; je trouve mon style lâche ; mais soyez plus généreuse, ma fille, et continuez à me consoler de vos aimables lettres. Je vous prie de compter les lunes pendant votre grossesse, si vous êtes accouchée un jour seulement sur la neuvième, le petit vivra ; sinon n’attendez point un prodige. Je pars mardi, les chemins sont comme en été, mais nous avons une bise qui tue mes mains : il me faut du chaud, les sueurs ne font rien ; je me porte très-bien du reste ; et c’est une chose plaisante de voir une femme avec un très-bon visage, que l’on fait manger comme un enfant : on s’accoutume aux incommodités. Adieu, ma très-chère, continuez de m’aimer ; je ne vous dis point de quelle manière vous possédez mon cœur, ni par combien de liens je suis attachée à vous. J’ai senti notre séparation pendant mon mal ; je pensais souvent que ce m’eût été une grande consolation de vous avoir. J’ai donné ordre pour trouver de vos lettres à Malicorne. J’embrasse le comte, je le prie de m’embrasser. Je suis entièrement à vous, et le bon abbé aussi, qui compte et calcule depuis le matin jusqu’au soir, sans rien amasser, tant cette province a été dégraissée.
156. — DE Mme DE SÉVIGNÉ À M, ne DE GRIGNAN.
Je suis mortifiée et triste de ne pouvoir vous écrire tout ce que je voudrais ; je commence à souffrir cet ennui avec impatience. Je me porte très-bien ; le changement d’air me fait des miracles ; mais mes mains ne veulent point encore prendre part à cette guérison. J’ai vu tous nos amis et amies. Je garde ma chambre, et je suivrai vos conseils ; je mettrai désormais ma santé et mes promenades devant toutes choses. Le chevalier (de Grignan) cause fort bien avec moi jusqu’à onze heures ; c est un aimable garçon. J’ai obtenu de sa modestie de me parler de sa campagne, et nous avons repleuré M. de Turenne. Le maréchal de Lorges n’est-il point trop heureux ? Les dignités, les grands biens et une très-jolie femme. On l’a élevée comme devant être un jour une grande dame.
- ↑ La mère de madame de la Fayette s’était remariée en secondes noces à Renauld, chevalier de Sévigné.