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Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/343

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qu’un rhumatisme ? Quand à la question que vous me faites, je vous dirai le vers de Médée :

C’est ainsi qu’en partant je vous fais mes adieux.

Je suis persuadée qu’ils sont faits ; et l’on dit que je vais reprendre le fil de ma belle santé ; je le souhaite pour l’amour de vous, ma très-chère, puisque vous l’aimez tant ; je ne serai pas trop fâchée aussi de vous plaire en cette occasion. La bonne princesse est venue me voir aujourd’hui : elle m’a demandé si j’avais eu de vos nouvelles : j’aurais bien voulu lui présenter une réponse de votre part ; l’oisiveté de la campagne rend attentive à ces sortes de choses ; j’ai rougi de ma pensée, elle en a rougi aussi : je voudrais qu’à cause de l’amitié que vous avez pour moi, vous eussiez payé plus tôt cette dette. La princesse s’en va mercredi, à cause de la mort de M. de Valois : et moi, je pars mardi pour coucher à Laval. Je ne vous écrirai point mercredi, n’en soyez point en peine. Je vous écrirai de Malicorne, où je me reposerai deux jours. Je commence déjà à regretter mon petit secrétaire. Vous voilà assez bien instruite de ma santé ; je vous conjure de n’en être plus en peine, et de songer à la vôtre. Vous qui prêchez si bien les autres, deviez-vous faire mal à vos petits yeux, à force d’écrire ? La maladie de Montgobert en est cause, je lui souhaite une bonne santé, et je sens le chagrin que vous devez avoirde l’état où elle est. Je suis ravie que le petit enfant se porte bien : Villebrune dit qu’il vivra fort bien à huit mois, c’est-à-dire huit lunes passées.

Vous croyez que nous avons ici un mauvais temps : nous avons le temps de Provence ; mais ce qui m’étonne, c’est que vous ayez le temps de Bretagne. Je jugeais que vous l’aviez cent fois plus beau, comme vous croyiez que nous l’avions cent fois plus vilain. J’ai bien profité de cette belle saison, dans la pensée que nous aurions l’hiver dans le mois d’avril et de mai, de sorte que c’est l’hiver que je m’en vais passer à Paris. Au reste, si vous m’aviez vue faire la malade et la délicate dans ma robe de chambre, dans ma grande chaise avec des oreillers, et coiffée de nuit, de bonne foi vous ne reconnaîtriez pas cette personne qui se coiffait en toupet, qui mettait son buse entre sa chair et sa chemise, et qui ne s’asseyait que sur la pointe des sièges pliants : voilà sur quoi je suis changée. J’oubliais de vous dire que notre oncle de Sévigné est mort[1]. Madame de la Fayette commence présentement à hé-

  1. Renaud de Sévigné, mort à Port-Royal le 16 mars 1676.