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Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/425

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tais longtemps comme je suis présentement. Je voudrais bien que votre poumon fût rafraîchi de l’air que j’ai respiré ce soir ; pendant que nous mourions à Paris, il faisait ici un orage jeudi qui rend encore l’air tout gracieux. Bonsoir, ma très-chère ; j’attends de vos nouvelles, et vous souhaite une santé comme la mienne ; je voudrais avoir la vôtre à rétablir. Voilà mes chevaux dont vous ferez tout ce qu’il vous plaira.


203. — DE Mme DE SÉVIGNÉ AU COMTE DE BUSSY.

À Paris, ce 29 mai 1679.

Que dit-on quand on a tort ? Pour moi, je n’ai pas le mot à dire ; les paroles me sèchent à la gorge : enfin, je ne vous écris point, le voulant tous les jours, et vous aimant plus que vous ne m’aimez : quelle sottise de faire si mal valoir sa marchandise ! car c’en est une très-bonne que l’amitié, et j’ai de quoi m’en parer quand je voudrai mettre à profit tous mes sentiments. Il y a dix jours que nous sommes tous à la campagne par le plus beau temps du monde ; ma fille s’y porte assez bien : je voudrais bien qu’elle me demeurât tout l’été ; je crois que sa santé le voudrait aussi ; mais elle a une raison austère, qui lui fait préférer son devoir à sa vie. Nous l’arrêtâmes l’année passée, et parce qu’elle croit se porter mieux à présent, je crains qu’elle ne nous échappe celle-ci. Je vis l’autre jour le bon père Rapin, je l’aime, il me paraît un bon homme et un bon religieux ; il a fait un discours sur l’histoire et sur la manière de l’écrire, qui m’a paru admirable. Le père Bouhours était avec lui ; l’esprit lui sort de tous côtés. Je fus bien aise de les voir tous deux. Nous fîmes commémoration de vous, comme d’une personne que l’absence ne fait point oublier. Tout ce que nous connaissons de courtisans nous parurent indignes de vous être comparés, et nous mîmes votre esprit dans le rang qu’il mérite. Il n’y a rien de quoi je parle avec tant de plaisir.

Avez -vous lu la Pie du grand Théodose, par l’abbé Fléchier, Je la trouve belle.

Vous savez toutes les nouvelles, mon cher cousin ; que vous dirai-je ? Le moyen de raisonner sur ce qui est arrivé, non plus que sur les difficultés du Brandebourg, qui fait faire encore à bien des officiers un voyage en Allemagne ?

Mais que dites- vous de notre pauvre Corbinelli ? Sa destinée Je force à soutenir un procès par pure générosité pour une de ses pa-