Aller au contenu

Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/452

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

un pied en l’air : il n’y a rien de bon avec cette agitation d’esprit ; vous devez changer de style, puisque vous changez de santé et de tempérament ; vous devez dire, Je ne puis plus voyager, il faut que je me remette. Mais au lieu de parler sincèrement de votre état à M. de Grignan qui vous aime, qui ne veut pas vous perdre, et qui voit comme nous combien le repos et le bon air vous sont nécessaires, il semble au contraire que vous vouliez le tromper et vous tromper aussi, en disant, Je me porte parfaitement bien, quand vous vous portez parfaitement mal. Il s’agira donc de rectifier toutes ces manières, qui jusqu’ici n’ont servi qu’à détruire votre santé. Nous en parlerons encore : mais je ne puis m’empêcher de vous dire tout ceci, sur quoi vous pouvez faire des réflexions.

Vous trouvez, ce me semble, la cour bien orageuse. Vous avez raison d’être étonnée de madame de Soubise ; personne ne sait le vrai de cette disgrâce ; il ne paraît point que ce soit une victime : elle a voulu une place que le roi l’a empêchée d’avoir : il y a bien à dire des épigrammes là-dessus. Quand elle a vu que toute cette distinction était réduite à une augmentation de pension, elle a parlé, elle s’est plainte ; elle est venue à Paris ; fy viens, fy suis encore, etc. Il ne serait pas impossible de tourner la suite de ces vers. On ne la voit point du tout, ni frère, ni sœur, ni tante, ni cousine : elle n’a que madame de Rochefort qui lui tient lieu de tout. On ne lui fera point dire ce qu’elle ne dit pas, car elle est recluse. Cependant elle est très-bien servie là-bas ; elle espère qu’elle retournera bientôt. Il y a des gens qui croient qu’elle pourra se tromper : si cela est, il faudra qu’elle change de vie ; une plus longue retraite ne serait pas soutenable. On ne voit pas non plus madame de Rochefort ; c’est une belle femme de moins dans les fêtes qui se font pour les grandes noces.

Mademoiselle de Blois est donc madame la princesse de Conti : elle fut fiancée lundi en grande cérémonie, hier mariée, à la face du soleil, dans la cbapelle de Saint-Germain : un grand festin comme la veille : l’après-diner, une comédie, et le soir couchés, et leurs chemises données par le roi et par la reine. Si je vois quel- | qu’un avant que d’envoyer cette lettre, qui soit revenu de la cour, je vous ferai une addition. Mais voyez comme il est bon de se tour- i menter un peu pour avoir des places ; il est certain que celles qui avaient été nommées pour dames d’honneur de cette princesse avaient fait leurs diligences. Le hasard veut que madame de