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Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/476

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famille, et beaucoup de monde ; mais pas encore assez, car il me semble qu’on devait rendre ce respect à M. le Prince sur une mort dont il avait encore les larmes aux yeux. Vous me demanderez pourquoi j’y étais ? C’est que madame de Guénégaud par hasard, l’autre jour chez M. de Cbaulnes, me promit de m’y mener avec une commodité qui me tenta : je ne m’en repens point ; il y avait beaucoup de femmes qui n’y avaient pas plus affaire que moi. M. le Prince et M. le Duc faisaient beaucoup d’honnêtetés à tous ceux qui composaient cette assemblée.

Je vis madame de la Fayette au sortir de cette cérémonie ; je la trouvai tout en larmes : il était tombé sous sa main de l’écriture de M. de la Rochefoucauld, dont elle fut surprise et affligée. Je venais de quitter mesdemoiselles de la Rochefoucauld aux Carmélites, où elles avaient aussi pleuré leur père : l’aînée surtout a figuré avec M. de Marsillac. C’était donc à l’oraison funèbre de madame de Longueville qu’elles pleuraient M. delà Rochefoucauld : ils sont morts dans la même année : il y avait bien à rêver sur ces deux noms. Je ne crois pas en vérité que madame de la Fayette se console, je lui suis moins bonne qu’une autre ; car nous ne pouvons nous empêcher de parler de ce pauvre homme, et cela la tue ; tous ceux qui lui étaient bons avec lui perdent leur prix auprès d’elle. Elle a lu votre petite lettre ; elle vous remercie tendrement de la manière dont vous comprenez sa douleur.

Vous ai-je dit comme madame de Coulanges fut bien reçue à Saint-Germain ? Madame la Dauphine lui dit qu’elle la connaissait déjà par ses lettres ; que ses dames lui avaient parlé de son esprit ; qu’elle avait fort envie d’en juger par elle-même. Madame de Coulanges soutint très-bien sa réputation, elle brilla dans toutes ses réponses ; les épigrammes étaient redoublées, et la Dauphine entend tout. Elle fut introduite l’après-dîner dans les cabinets avec ses trois amies : toutes les dames de la cour étaient enragées contre elle. Vous comprenez bien que par ces amies elle se trouve naturellement dans la privauté : mais où cela peut-il la mener ? et quels dégoûts quand on ne peut être des promenades, ni manger (avec les princesses) ? Cela gâte tout le reste : elle sent vivement cette humiliation ; elle a été quatre jours à jouir de ces plaisirs et de ces déplaisirs. Vous avez raison de plaindre M. de Pomponne quand il va dans ce pays-là, et même madame de Vins qui n’y a plus de contenance : elle est toute replongée dans sa famille, et accablée de