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Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/595

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listes qui ont paru, il veut savoir si on le garde pour servir dans l’armée de M. le Dauphin, dont on n’a point encore parlé. Comme il a dit qu’il était en état de servir, il est en droit de croire qu’on ne l’a pas oublié : en tout cas, ce ne serait pas sa faute, il est bien tout des meilleurs.

C’est tout de bon que le roi d’Angleterre est parti ce matin pour aller en Irlande, où il est attendu avec impatience ; il sera mieux là qu’ici. Il passe par la Bretagne comme un éclair, et s’en va droit à Brest, où il trouvera le maréchal d’Estrées, et peut-être M. de Chaulnes, s’il peut le trouver encore, car la poste et la bonne chaise que lui a donnée M. le Dauphin le mèneront bien vite. Il doit trouver à Brest des vaisseaux tout prêts et des frégates ; il porte cinq cent mille écus. Le roi lui a donné des armes pour armer dix mille hommes. Comme Sa Majesté anglaise lui disait adieu, elle finit par lui dire, en riant, qu’il n’avait oublié qu’une chose, c’était des armes pour sa personne : le roi lui a donné les siennes ; nos héros de roman ne faisaient rien de plus galant. Que ne fera point ce roi brave et malheureux, avec ces armes toujours victorieuses ? Le voilà donc avec le casque et la cuirasse de Renaud, d’Amadis, et de tous nos paladins les plus célèbres ; je n’ai pas voulu dire d’Hector, car il était malheureux. Il n’y a point d’offres de toutes choses que le roi ne lui ait faites : la générosité et la magnanimité ne vont point plus loin. M. d’Avaux va avec lui ; il est parti deux jours plus tôt. Vous allez me dire, Pourquoi n’est-ce pas M. de Carillon ? C’est que M. d’Avaux, qui possède fort bien les affaires de Hollande, est plus nécessaire que celui qui ne sait que celles d’Angleterre. La reine est allée s’enfermer à l’abbaye de Poissy avec son fils : elle sera près du roi et des nouvelles ; elle est accablée de douleur, et d’une néphrétique qui fait craindre qu’elle n’ait la pierre : cette princesse fait grande pitié. Vous voyez, ma chère enfant, que c’est la rage de causer qui me fait écrire tout ceci ; M. le chevalier et la gazette vous le diront mieux que moi. Votre enfant m’est demeuré : je ne le quitte point ; il en est content : il dira adieu à ces petites de Castelnau ; son cœur ne sent encore rien ; il est occupé de son devoir, de son équipage ; il est ravi de s’en aller, et de montrer le chemin aux autres. Il n’est encore question de rien ; nous n’assiégerons point de place, nous ne voulons point de bataille, nous sommes sur la défensive, et d’une manière si puissante, qu’elle fait trembler ;