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son omnipotence : « L’État c’est moi » Corneille, dis-je, dans son imagination de poète, partageait les idées de son temps et mettait le dévouement au prince bien au-dessus de l’héroïsme patriotique. Pour lui, ce n’était pas seulement un devoir de mourir pour son roi, c’était un bonheur. — Mais en regard de ce vers que cite Grasset, il inscrit ceux de Lafontaine…

  « … Vous leur fîtes, Seigneur,
  En les croquant, beaucoup d’honneur. »

Notre grand fabuliste vivait à la même époque que Corneille et en disait plus avec ses apologues que le dramaturge avec ses tragédies. — Lafontaine ne craignit pas, sous le règne du grand roi, de placer en tête du viime livre de ses fables, qu’il dédia à Madame de Montespan, le plus beau de ses apologues, celui des Animaux malades de la peste : — Dans la calamité publique que dépeint notre fabuliste sous de si vives couleurs, il fallait une victime expiatoire ; chacun devait confesser ses fautes, et le roi lion, donnant l’exemple, venait d’avouer ses peccadilles ; il avait dit :

 « Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons
  J’ai dévoré force moutons.
  Que m’avaient-ils fait ? nulle offense,
 Même il m’est arrivé quelques fois de manger
    Le berger. »