Page:Sabin Berthelot Journal d un voyageur 1879.djvu/151

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
149
de voyage.

aux étrangers, des inspirations qui méritent d’être notées ; en voici quelques-unes :

« La honte de l’Angleterre est incrustée en traits ineffaçables sur le rocher de Sainte-Hélène ; c’est une conscience de granit qui la ronge et qui vengera le passé dans l’avenir. »

« Sainte-Hélène, avec ses rochers noirs et sombres, se tient debout sur le passage des nations pour montrer du doigt l’Angleterre. Ce n’est pas là un phare qu’on peut abattre ; c’est une page du grand livre de l’histoire qu’on ne peut non plus déchirer. »

« Et les anglais lisent tout cela impassibles ! ! ! — Eh bien, qu’ils lisent aussi ce quatrain que j’ai consigné dans leur album à mon passage dans cette île maudite :

« Quels bourreaux ! quel martyre ! et quel mystère étrange !
J’ai connu Sainte-Hélène et j’ai frémi d’horreur…
Mais d’autres ont pour vous assez de haine au cœur :
La France vous pardonne et le monde la venge… »
                                              A. Grasset.

12 janvier 1853.
En mer.

« Nous avons rencontré à mi-chemin des Açores à la Manche un grand trois-mâts abandonné, errant au hasard et poussé par la lame ; des lambeaux de voiles pendaient à ses vergues ; sa coque était à moitié submergée. Nous n’aperçûmes personne de son malheureux équipage. Un navire aussi désemparé me fait l’effet d’un grand squelette ; une imagination exaltée aurait pu le prendre au milieu de la brume pour un fantome. »